S'il n'est pas tout à fait rare d'entendre des profanes traiter les médecins d'assassins, surtout à l'heure du cigare, propice aux paradoxes, il est heureusement tout à fait exceptionnel que ceux qui se sont adonnés à l'art médical deviennent vraiment des criminels : c'est pourquoi le Dr Crippen qui mérita la corde comme naguère
La Pommeraye mérita l'échafaud, mérite aussi les honneurs de « l'actualité ».
Convaincu par le jury l'an dernier d'avoir empoisonné au moyen d'hyoscyamine sa femme, la belle Elmore, Crippen a été pendu le 23 novembre. Si les jurés anglais ont bien jugé, Crippen a commis son crime par un procédé plutôt rare. Car si l'on connaît quelques empoisonnements criminels dus à la belladone ou à son alcaloïde, l'atropine, on n'en connaissait pas dus à la jusquiame et à l'hyoscyamine ; et les auteurs qu'on peut consulter à ce sujet ne font que rapporter des intoxications.
accidentelles que cette plante et son alcaloïde ont produit.
Un médecin allemand, cité par Lamaout, dans sa botanique, en donne ainsi une curieuse relation : « L'on servit un jour aux Bénédictins du couvent de Blunow une salade de racines de chicorée à laquelle se trouvait mêlée de la jusquiame. Après le repas, les moines allèrent se coucher. Peu après les symptômes de l'empoisonnement commencèrent à se manifester, malaise général, douleurs d'entrailles, vertiges, ardeur du gosier. À minuit, heure des matines, un moine était tout à fait fou ; on crut qu'il allait mourir et on lui administra le viatique. Parmi ceux qui étaient allés au chœur, les uns ne pouvaient ni lire, ni ouvrir les yeux, les autres mêlaient à leurs prières des paroles désordonnées, d'autres croyaient voir des fourmis courir sur leurs livres. Tous guérirent ».
On trouve encore dans les éphémérides des curieux de la nature, la relation d'un empoisonnement par la jusquiame : quatre jeunes gens mangèrent par erreur des racines de jusquiame et ils furent pris d'un délire furieux ; un autre, nouveau Midas, voyait se changer en or tous les objets placés devant lui, même les mets qu’on déposait sur la table ; un troisième, renouvelant le prodige de Circé, voyait changer en porcs tous les hommes avec lequel il se trouvait. Tous guérirent.
Avec l'hyoscyamine, d'ailleurs, les symptômes d'empoisonnement prennent immédiatement une plus grande activité que lorsqu'il y a intoxication par la jusquiame, deux milligrammes sont déjà une dose toxique et 5 milligrammes déterminent sûrement la mort.
La belle Elmore a donc commencé par présenter un délire plutôt agréable ; ce n'est que peu à peu des symptômes plus graves ont dû se manifester… Mais Crippen n'a pu publier son registre d'observation !
Et d'ailleurs a-t-il vraiment commis ce crime ? Est-ce d'un coupable cette lettre qu'il écrivait de sa prison quelques jours avant sa mort :
« Après de nombreux jours d'attente anxieuse, sans que mon innocence ait encore été reconnue ; après avoir enduré la souffrance d'un long procès et l'attente d'un appel ;
malgré les derniers efforts de mes amis, qui tentèrent d'obtenir la commutation de ma peine, je me rends compte maintenant que mon sort est maintenant scellé et que je dois abandonner tout espoir de vivre encore…
Si j'adresse un dernier message au monde, c'est pour le prier de ne pas me honnir et d'avoir foi dans les dernières paroles d'un condamné. Face à face avec Dieu, en présence de qui mon âme va bientôt se trouver pour être jugée, je maintiens que j'ai été condamné injustement ; j'ai la certitude que des preuves viendront plus tard établir
enfin mon innocence…
Ma condamnation est une erreur judiciaire, due surtout au bruit sensationnel qui s'est fait autour de ma fuite et de mon arrestation. L'esprit des jurés anglais s'est tourné
contre moi à cause de l'amour que j'ai éprouvé pour une femme qui n'était pas légalement ma femme.
Mon amour - peu de gens voudront le comprendre ou le croire - fut un amour saint. J'y trouvais la consolation de mon malheureux sort.
La conduite de miss Le Neve envers moi a été admirable. Sa loyauté, son courage et son entier dévouement son la preuve de sa grandeur morale. Et s'il y a eu une faute commise - nous avons, en effet, violé la loi des hommes - c'est moi qui en suis coupable ; elle en est complètement innocente…
Dans le silence de ma cellule, je prie Dieu qu'il prenne en pitié tous les cœurs faibles, tous les enfants déshérités de la vie, et son malheureux serviteur. »
Si Crippen était innocent, sa fin est d'un stoïcien. Si Crippen était coupable, c'était un homme qui alliait à la férocité une bien rare maîtrise de soi.
(Spectator, Paris médical, 1911)
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