Existe-t-il un profil particulier du généraliste maître de stage universitaire différent du reste des confrères ou ces maîtres de stage universitaires (MSU) se fondent-ils dans le profil type de la profession ? C’est un peu la question à laquelle a voulu répondre le Dr Céline Bouton, maître de conférence associée, dans une étude, sur la « représentativité des médecins généralistes maîtres de stage universitaire* ». Pour en avoir le cœur net, elle a questionné les MSU rattachés à l’université d’Angers et confronté leurs réponses à celles d’un panel de généralistes des Pays de la Loire.
A première vue, les MSU ressemblent fort à la moyenne des généralistes. En effet, si l’on se penche sur les données sociodémographiques ils ne sortent pas du lot. « La majorité des travaux explorant la représentativité d’un groupe de médecins s’appuie sur l’âge, le genre et le lieu d’exercice », détaille le Dr Bouton, installée depuis presque six ans à Saint-Germain-sur-Moine (Maine-et-Loire). Or, d’après l’étude, et « après comparaison au panel régional et mise en perspective avec les données nationales disponibles », « les MSU semblent peu différents des autres généralistes pour ces trois critères ». Ils ne semblent pas non plus se distinguer dans leur patientèle dont les caractéristiques sociodémographiques et la morbidité ne sont pas différentes d’un autre confrère. « Ils ne sont pas si différents des autres médecins généralistes qui ne sont pas MSU. Ils ont le même âge, sexe, etc. », confirme le Dr Bouton, qui estime que « les différences majeures se situent surtout au niveau de l’organisation du cabinet plus que de leur pratique ».
Pas facile en fait de déterminer si les MSU ont des pratiques différentes des autres généralistes. D’autant que, quand on les interroge sur ce point, ils ne semblent pas non plus se distinguer du reste de la profession. Ainsi, les maîtres de stage de l’étude expliquent que, pour le choix de leurs prescriptions et la prise en charge de leurs patients, ils se basaient « souvent » ou « très souvent » sur leur expérience (91,7%), le recours aux dictionnaires de médicaments (75,7%), les recommandations de bonnes pratiques (63,5%), le partage d’expériences avec les confrères (59%) et les revues médicales (52,5%). Des critères qu’on pourrait sans doute retrouver peu ou prou chez tous les généralistes. Même si certains confrères notent quand même une évolution de leur pratique en devenant MSU : « J’ai des automatismes qui ne sont pas formalisés dans ma tête. Cela me force à poser les choses, à avoir une gestuelle qui est dynamique », souligne, par exemple, le Dr Philippe Bismuth, qui exerce à Anneyron dans la Drôme et est MSU depuis six ans. « Ma pratique a beaucoup changé. Je dois expliquer et en même temps sans arrêt me remettre en cause », estime-t-il.
Une préférence pour le travail en groupe
Mais leur différence avec la moyenne de la profession est ailleurs. Il faut d’abord la chercher entre les lignes de leurs agendas. Et d’abord, leurs contacts ne sont pas les mêmes. Les médecins de l’étude recevaient moins les visiteurs médicaux ou les délégués de l’Assurance Maladie que ceux du panel. Un MSU sur trois ne reçoit pas les visiteurs médicaux contre 15% seulement des médecins du panel témoin. « Quand j’étais seul, voir les visiteurs médicaux c’était un peu une bouffée d’oxygène », explique le Dr Bismuth, qui explique aussi cette abstention nouvelle « par le fait que pour les internes qui sortent de l’école, les labos c’est un peu le diable. Ils sont plus critiques par rapport à ça », ajoute-t-il.
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Pourtant, c’est encore à un autre niveau que se situent les particularités les plus visibles des MSU. La première grande tendance, c’est visiblement une appétence pour l’exercice groupé. Le taux de MSU installés en groupe (81%) est nettement plus élevé que celui des médecins du panel (65%) et des données nationales (40 à 52%). Une enquête de 2009 constatait déjà le lien entre exercice en groupe et maîtrise de stage ; ce résultat n’est certainement pas un hasard, ces deux situations demandant de travailler ensemble et d’accepter le regard de l’autre sur sa pratique. C’est probablement aussi une question d’état d’esprit ou de caractère : « Quand on travaille en groupe, on est déjà forcément quelqu’un qui communique et l’étape logique d’après c’est de transmettre. Tout est lié, ce sont des médecins prêts à partager », explique le Dr Bismuth qui exerce lui-même en maison de santé.
« Si j’ai appris à partager avec un collègue, c’est sans doute plus facile de pouvoir consulter avec un interne », confirme Christophe Pigache, MSU depuis 10 ans. Le généraliste qui exerce en MSP à Châteauneuf-de-Galaure (Drôme) y voit aussi une explication logistique : « C’est plus facile au niveau organisationnel car si il y a plusieurs médecins, il y a plusieurs cabinets et c’est donc plus facile de trouver un bureau pour que l’interne puisse consulter seul », explique-t-il. L’effet de contagion est aussi un élément à prendre en compte pour expliquer la forte proportion de MSU qui sont en exercice groupé : « Moi, par exemple, voir mon collègue avec ses internes ça m’a donné envie de me lancer », raconte le Dr Pigache.
Effet de groupe qui explique peut-être aussi qu’on ait plus de temps pour la formation et l’encadrement qu’en cabinet individuel. Ainsi, l’obtention de diplômes complémentaires est plus fréquente chez les maîtres de stage. Sans compter qu’être MSU semble pousser à une constante mise à jour de ses connaissances. Le Dr Stéphanie Baron-Bertrand, médecin généraliste aux Ulis (Essonne) et MSU depuis cinq ans reconnaît des formations plus nombreuses, une journée sur la fin de vie ici, un DU de pédiatrie par-là : « Et on emmène nos stagiaires avec nous », ajoute-t-elle. De plus, les diplômes complémentaires les orientent bien souvent vers une activité mixte. Selon l’étude, les MSU se différencient néanmoins par une activité hors cabinet plus volontiers orientée vers les centres de santé et apparentés ou les EHPAD que vers les associations professionnelles.
Pour exercer heureux, devenez MSU
Mais il y a des facteurs plus positifs qui, à bien y regarder, devraient susciter des vocations de MSU. Pour vivre heureux, vivons entourés ? Au jeu des différences, les MSU semblent en effet gagner au change, car ils seraient des généralistes plus heureux. Dans l’enquête du Dr Bouton, près de 93% des MSU se disaient satisfaits ou très satisfaits de leur exercice professionnel, contre 80% dans le panel des Pays de la Loire. « C’est un excellent rempart contre le burn out », certifie le Dr Pigache. Il faut croire que la fonction de maître de stage leur permettrait d’avoir un regard nouveau sur leur travail, d’éviter la monotonie et un certain isolement. Une vision positive de leur rôle pédagogique, un sentiment de transmission et d’utilité sont évoqués par les MSU. « C’est une bouffée d’air frais », souligne le Dr Baron-Bertrand. « Le temps passe plus vite avec eux et puis on va mieux soigner à deux, c’est un travail d’équipe », ajoute-t-elle. « Je ne me sens pas seul face à un problème », confirme Christophe Pigache.
Des remplacements facilités
Autre clé du bonheur ? L’exercice en groupe plus fréquent offrirait également la possibilité de prendre plus de congés et leur fonction de maître de stage faciliterait leur remplacement. La différence du temps de travail hebdomadaire constatée entre les MSU et les médecins du panel pourrait d’ailleurs expliquer en partie la vision plus positive des MSU de leur exercice professionnel. Si la fonction peut être « chronophage » pour le Dr Bismuth, la plupart des MSU se considèrent plutôt gagnants dans l’affaire : « Même si, au départ, ça peut prendre du temps de mettre en route les internes, quand ensuite ils peuvent voir des patients pendant qu’on est en consultation avec d’autres, c’est un vrai gain de temps », affirme le Dr Baron-Bertrand.
Pour autant, dans les chiffres, cela ne veut pas dire que ces derniers travaillent moins que leurs confrères ! Il pourrait même paraître étonnant que les MSU aient un nombre d’actes équivalents à celui des autres généralistes alors qu’ils déclarent un temps de travail hebdomadaire et annuel inférieur. L’explication est pourtant simple : les actes réalisés par le remplaçant pendant les absences ou les congés, ainsi que ceux réalisés par les externes exerçant en autonomie sont comptabilisés dans les actes du RIAP du médecin titulaire. Ils sont d’ailleurs plus nombreux à faire des gardes. Alors que 68% des médecins du panel déclaraient participer aux gardes ambulatoires, ce choix concerne plus de 76% des MSU.
Alors les médecins généralistes universitaires, des médecins comme les autres ? Oui et non… Les différences ne se situent pas sur l’âge, le genre et le lieu d’exercice mais plutôt sur l’organisation de leur exercice professionnel (plus de congés, plus d’exercice en groupe, etc). Un constat qui ne permet pas en revanche d’en déduire quoi que ce soit en termes de qualité des soins : « Plus d’appétence à se former ne permet pas d’attester une différence de qualité dans les soins prodigués par les MSU », conclut l’étude. De quoi contenter tout le monde, les MSU, comme ceux qui n’ont jamais vu un stagiaire…
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