Applaudis tous les soirs au printemps pour leur implication dans la lutte contre l’épidémie de coronavirus, certains médecins se retrouvent quelques mois plus tard la cible de messages d’insultes, voire de menaces, notamment sur les réseaux sociaux.
L’Union française pour une médecine libre – syndicat (UFML-S) dit avoir été alertée par des médecins ayant reçu des lettres anonymes ou de courriers d'avertissement émanant principalement d'anti-vaccins. Certains accusent les médecins d'être « complices de génocides », des patients appelant à dénoncer des praticiens et à empêcher les vaccinations.
L'UFML a publié lundi un communiqué dénonçant ces comportements et invitant les médecins qui reçoivent ces menaces à systématiquement déposer plainte au commissariat ou en gendarmerie, à remplir une déclaration Pharos (plateforme gouvernementale permettant aux internautes de signaler des contenus et comportements illicites repérés en ligne, N.D.L.R.) ainsi que de signaler ces comportements à l'Ordre des Médecins et au syndicat. « Qui porte atteinte à un médecin porte atteinte à l'ensemble de notre profession », souligne l’UFML-S.
« Toute menace doit être considérée comme extrêmement sérieuse »
Contacté par Le Généraliste, le président du Syndicat, Jérôme Marty, ne pense pas que ces comportements soient marginaux. « On ne voit que la partie émergée de l’iceberg, estime-t-il. Les médecins n’osent pas en parler de peur qu’en en parlant, cela excite encore davantage les auteurs des messages. »
Si les probabilités qu’une personne joigne la parole aux actes restes minimes, certains messages peuvent donner des idées à d’autres, selon le Dr Marty. « C’est cela qui est inquiétant. En insultant les soignants, on fait tomber un mur, explique le président de l’UFML-S. Une personnalité fragile peut se dire "ces gens-là ne valent rien, ils ont tué dans les maisons de retraite au Rivotril, ils ont fait de l’euthanasie active etc." Et dans leur esprit, votre vie ne vaut plus grand-chose. Vous n’êtes qu’un infâme pourri qui, de surcroît, est à la solde de Big Pharma ». Le généraliste plaide donc pour la tolérance zéro. « Il faut rendre coup pour coup, toute menace doit être considérée comme extrêmement sérieuse », insiste-t-il.
Le leader de l’UFML-S confie avoir lui-même été la cible de menaces et d’insultes. Il indique avoir déposé plusieurs plaintes, dont deux ont mené à la mise en garde à vue des auteurs. Le Dr Marty affirme également que plusieurs confrères ont reçu des messages d’organisations liées aux « mouvements antivax et anti-masques ». « C’est plus embêtant quand les messages viennent de ce type d’organisations, qui sont structurées », relève-t-il.
L’extrême droite et les « rassuristes » en cause
Mais comment expliquer qu’en l’espace de six mois, les médecins soient passés des applaudissements aux insultes ? Pour Jérôme Marty, la réponse est simple. « C’est très lié aux gilets jaunes, à cette mouvance anti-gouvernement, juge-t-il. Dès l’instant où le gouvernement ne nous a pas donné de masques et qu’on a dénoncé cela, nous sommes passés pour leurs héros. Mais ensuite, quand les masques sont arrivés, nous n’avons pas changé de discours et dit, comme le gouvernement, qu’il fallait le porter. A partir de ce moment-là nous sommes devenus des "collabos" aux yeux de certains. »
Et selon le généraliste, l’extrême droite et les « rassuristes » sont à blâmer. Le président de l’UFML-S assure ainsi que les Pr Raoult, Perronne, Toussaint etc. sont en partie responsables des comportements déviants observés. « Tous les "rassuristes" qui ont passé leur temps à dire qu’il ne se passait rien et qu’on leur mentait sont les dieux des personnes qui nous insultent », affirme Jérôme Marty. « En remontant le profil des gens qui s’en prennent aux soignants, vous retrouvez le Rassemblement national profondément ancré. Il y a des platistes, des antivax, des anti-masques et l’extrême droite qui tire les ficelles derrière », note-t-il également.
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