En s'étendant « de l’Ile-de-France à l’Allemagne », après avoir fusionné les ex-régions Alsace, Champagne-Ardenne et Lorraine, le Grand Est se caractérise par son hétérogénéité, y compris en matière d'offre de soins et de densité médicale (plus on progresse vers l'est, plus les praticiens libéraux sont nombreux).
L'assurance-maladie a tiré les leçons de cette reconfiguration. Selon le service médical Grand Est, c’est par exemple en Alsace, concurrence oblige, que les infractions en matière de prescriptions d’arrêts de travail sont les plus fréquentes. « On constate une vraie pression sur les médecins quand ils sont nombreux, qui peut les pousser à la faute, alors que dans les déserts médicaux, les médecins débordés ont moins l'occasion de tricher », explique le Dr Odile Blanchard, directrice du service médical.
Du coup, le service médical s'emploie à contrôler « moins mais mieux », avec un meilleur ciblage. En 2016, le service médical avait émis 12 % d’avis défavorables sur 150 000 arrêts de travail contrôlés dans la région ; en 2019, ce taux a atteint 17 % sur seulement 85 000 contrôles, ces derniers ayant surtout été menés… en Alsace. Les avis de reprise de d'activité ne signifient pas forcément que l'arrêt était abusif (mais parfois inadapté).
Le gradient ouest/est des irrégularités s'observe d'ailleurs dans toutes les professions de santé (médecins, dentistes et paramédicaux). Mais les vrais contentieux restent rares – une cinquantaine par an, dont la moitié à Strasbourg. Ce sont les ambulanciers, infirmiers, kinés et pharmaciens qui font le plus souvent l’objet de procédures.
Surveillance… et expertise
Outre la politique de surveillance, les médecins-conseils ont réorienté leurs missions : s'ils contrôlent plus souvent leurs confrères en Alsace, ils accompagnent particulièrement les praticiens des départements en voie de désertification comme l'Aube ou la Meuse, qu'il s'agisse de projets de maisons de santé pluriprofessionnelles ou de création de CPTS (communauté professionnelle territoriale de santé). L'assurance-maladie rappelle à cet égard que si les médecins-conseils ont une activité de contrôle des bonnes pratiques, ils sont là d'abord pour « accompagner » la profession.
Le service médical annonce à cet effet la mise en place d’une plateforme téléphonique régionale. Il a lancé une campagne de sensibilisation à la prescription des AINS chez les personnes âgées, complétée par des entretiens ciblés avec les praticiens s'éloignant trop des recommandations. Le Dr Blanchard n'hésite pas à mettre en avant « la variété » du métier à l'heure où plusieurs postes de médecins-conseils sont vacants dans le Grand Est.
Jusqu’à quatre fois plus d’antibiotiques prescrits quand le patient est demandeur
Face au casse-tête des déplacements, les médecins franciliens s’adaptent
« Des endroits où on n’intervient plus » : l’alerte de SOS Médecins à la veille de la mobilisation contre les violences
Renoncement aux soins : une femme sur deux sacrifie son suivi gynécologique