« Ce n'est pas quatre murs, un toit et un chèque qui font venir les médecins, c'est la nature du projet médical et son accompagnement par les élus pour le concrétiser. La collectivité ne doit pas ouvrir une maison médicale seule mais partir du besoin de l'étudiant ou de l'interne et lui demander : "Où veux-tu t'installer ? Quel est ton projet ?" »
Marianne Cinot, présidente du syndicat des internes de médecine générale (ISNAR-IMG) n'y va pas par quatre chemins quand il s'agit de dire aux élus comment recruter un jeune médecin. Avec les carabins (ANEMF) et les jeunes généralistes et remplaçants (ReAGJIR), le syndicat dévoile ce mardi 18 février un guide « clé en main » de l'accès aux soins à destination des élus locaux. Le timing n'est pas le fait du hasard. À quelques semaines des municipales, les jeunes veulent insuffler aux maires les bons gestes pour motiver les futurs médecins à s'installer. Le guide, d'une quarantaine de pages, liste une quinzaine de propositions et contient un répertoire d'interlocuteurs privilégiés. « On veut toucher les maires et les élus locaux. Il y a une méconnaissance de l'étudiant, du jeune médecin et de leurs attentes. Certaines communes mettent en place des initiatives qui fonctionnent et d'autres n'ont pas toutes les cartes en main », explique le Dr Laure Dominjon, présidente de ReAGJIR.
Formation : go sur le recrutement des maîtres de stages
Pour séduire les jeunes, il faut se lever tôt. C'est en substance le message du guide qui suggère aux élus de sensibiliser dès le lycée aux problématiques de désertification médicale et d'accès aux soins. Pendant le cursus médical, la découverte des stages en libéral est « le » moyen phare pour faire découvrir un nouvel exercice et territoire. À Dijon et Besançon, l'initiative « Vac chez le prat' » permet ainsi aux 2e et 3e années de médecine de passer trois jours avec un praticien libéral. Mais rien n'est envisageable sans passer la vitesse supérieure dans le recrutement des maîtres de stage (MSU). « Les sites de formation sont souvent à la fac, parfois un praticien exerce à plus de deux heures de route. Les collectivités pourraient financer les déplacements ou alors organiser des sessions de formation dans leur commune si plusieurs médecins y exercent », propose Roxane Hellandsjö-Prost, présidente de l'ANEMF.
Il faut aussi miser sur les conditions d'accueil, lit-on dans le guide. Les aides aux transports ou l'hébergement territorial des étudiants en santé, encore peu développés, sont plébiscités. La ville de Roanne (Loire) l'a compris en construisant en 2012 la villa des internes, qui a hébergé 75 jeunes. Le syndicat local y organise la logistique (assurance, Internet, promotion et accueil des internes). Des documents touristiques sont apportés à la villa et des « apéros terroirs » avec les professionnels de santé sont organisés. La ville de Morlaix (Bretagne) s'est aussi lancée dans un projet d'hébergement hôtelier pour accueillir les externes et internes.
Installation : des bourses pour favoriser l'installation mais pas que
D'autres initiatives sont plus ciblées vers l'installation du jeune médecin. En Seine-et-Marne, Essonne et Val-de-Marne, des « initiatives territoires » aident les internes à construire leur projet d'exercice dès le début de l'internat. Une autre piste à suivre : organiser des week-ends « découverte » de la région pour convaincre la jeunesse des bénéfices et du dynamisme de leur territoire.
Les bourses de stage (indemnités délivrées par la région lors d'un stage en médecine générale en zone sous-dense) ainsi que les bourses maison (aide financière pour s'installer) peuvent aussi appâter les jeunes. Cependant, elles sont encore très hétérogènes sur le territoire. L'interne doit parfois s'installer plusieurs années pour en bénéficier. Dernier exemple : le Sud Territoire de Belfort offre une prime de 10 000 euros sous réserve d'une installation d'une durée minimale de cinq ans.
Attention toutefois à ne pas tout miser sur ces avantages : selon une enquête ordinale de 2019, 48 % des internes pensent que les aides financières déterminent « peu ou partiellement » leur choix d'installation. En revanche, la proximité familiale et la présence de services publics comptent.
Organisation des soins : l'exercice regroupé sinon rien
Les élus locaux trouveront enfin dans le guide le détail des aides à l'installation « qu'ils doivent connaître et rendre visibles », ajoute le Dr Laure Dominjon, présidente de ReAGJIR. Concernant l'exercice mixte, très attractif auprès des jeunes, les syndicats leur conseillent de recenser les postes disponibles au sein des établissements de leur territoire (hôpital, centre de santé, PMI, EHPAD) et de leur donner de la visibilité.
Dernière carte à jouer : se mettre au diapason des jeunes en faisant connaître leur intérêt pour l'exercice regroupé plutôt qu'en solo. Comment ? En exposant leur soutien (logistique, organisationnel) aux maisons, centres de santé et aux nouvelles communautés professionnelles territoriales de santé.
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