Face à une démographie médicale « catastrophique » dans la métropole de Chartres, l’ensemble des parlementaires d’Eure-et-Loir a écrit à François Braun pour l'alerter sur ce « fléau » et avancer plusieurs propositions radicales.
Avec à peine 300 généralistes dans le département, les élus souhaitent pousser leur « plan d’urgence » pour le territoire, voté en mars 2022 par les conseillers communautaires de Chartres métropole. Leur objectif est clair : la mise en place « sans délais » d’un « choc de simplification administrative » pour les confrères, alliant fin des certificats médicaux inutiles, délégations vers les médecins du travail ou les médecins-conseils et sensibilisation aux rendez-vous non honorés.
« Hypocrisie des politiques nationales »
« Les médecins de Chartres vont déplaquer si on ne prend pas soin d’eux ! », affirme le Dr Julien Cottet, président de l'Ordre des médecins d'Eure-et-Loir. Depuis dix ans, l’allergologue alerte sur la situation dégradée de l’agglomération : « en 2022 nous avons eu 18 départs à la retraite pour seulement deux installations, c’est catastrophique ! ». Aujourd'hui, près d’un Chartrain sur trois n’a pas de médecin traitant.
Une pénurie locale qui crée des tensions telles que, à Noël, les généralistes de la maison médicale de garde installée au CH de Chartres ont dû exercer leur droit de retrait face à l’agressivité des patients – médecins que la préfecture a voulu réquisitionner. « À un moment, ça explose », résume le Dr Cottet.
L’ordinal dénonce « l’hypocrisie totale des politiques nationales » car malgré la pénurie Chartres n’est toujours pas classée en zone d’intervention prioritaire (Zip). « Un médecin qui s’installe 10 km plus loin, en zone rurale, aurait droit à des aides à l’installation… », raconte-t-il. Dans leur courrier, les élus réclament urgemment à passer l'ensemble du département en zone « Zip », pour « remédier à cette punition supplémentaire, incongrue et incompréhensible », indique Jean-Pierre Gorges, maire de Chartres, et président de Chartres métropole.
Délégation aux praticiens conseils et médecins du travail
Selon Julien Cottet, la préfecture d'Eure-et-Loir abrite même les généralistes « qui bossent le plus en France », précisant que ses confrères « tournent autour de 1 800 patients, avec les jeunes qui montent même à 2 000 voire 2 500 patients ».
La « décharge » administrative devient donc urgente pour la métropole, qui ne manque pas d’originalité dans ses idées. Aussi, elle demande à François Braun d’autoriser des expérimentations sur le territoire (via l’article 51) pour permettre aux patients de s’autodéclarer en arrêt de travail, « dans la limite de trois jours, deux fois par an », détaille l’ordinal. Le tout en finançant 15, puis 30 postes d’assistants médico-administratifs.
Mieux, les élus réclament que les pharmaciens puissent délivrer des arrêts de travail courts ou que le médecin-conseil de la CPAM renouvelle lui-même les ALD. « Nous demandons également une expérimentation pour que les assistantes sociales puissent remplir les dossiers d’allocation personnalisée d’autonomie (Apa), MDPH ou MDA », pousse le Dr Cottet. Autre proposition : que les médecins du travail puissent prescrire des arrêts de travail, des antalgiques ou des antidépresseurs, précise le courrier envoyé à François Braun.
Des patients « mal éduqués »
Le plan chartrain – « fruit d’un travail collectif » – entend aussi « responsabiliser les patients », en ciblant ceux qui n’honorent pas leurs rendez-vous médicaux. « Nous sommes deux allergologues pour tout le département, et l’année dernière j’ai eu 189 lapins », déplore le Dr Cottet, qui fait valoir « qu’en Finlande, le lapin est facturé 51 euros ».
Sans pour autant réclamer aux patients la facturation des rendez-vous non honorés, les élus misent sur la sensibilisation. Ainsi, le journal de l’agglomération ouvre ses colonnes, tous les mois, à l’Ordre. « 85 000 exemplaires, où on explique aux habitants que s'ils veulent qu'on les soigne bien, il faut prendre soin des médecins », résume le maire, Jean-Pierre Gorges. Sur le sujet, le Dr Julien Cottet n’y va pas de main morte. « Les patients ont été mal éduqués par l’ancienne génération de médecins : à l’époque, quand un patient arrivait on faisait tout pour le garder car les médecins n’avaient pas assez de boulot », tacle-t-il.
« Laissez-nous faire »
« Nous voulons tout faire pour que ce territoire sorte du marasme », souligne encore le maire de Chartres. « Laissez-nous faire pendant un an, et on verra si ça marche ! », implore quant à lui Julien Cottet, convaincu que ces expérimentations pourront désengorger les cabinets.
Parlementaires et ordinaux attendent désormais une réponse de François Braun sous quinze jours.
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