Interrogées par « le Quotidien », les organisations d'étudiants et de jeunes médecins défendent un modèle de pratique moins rigide et uniforme que celui de leurs aînés avec des priorités fortes : regroupement, diversification de la rémunération, mixité des modes d'exercice, intégration des nouvelles technologies. Revue de détails.
Un exercice collectif, interpro et souple
Jugé obsolète, le schéma du cabinet libéral en solo tout au long d'une carrière a vécu. Les jeunes sont attachés à la mixité des modes d'exercice et des carrières (ville, hôpital, autres formes de salariat), ils réclament des statuts souples et plébiscitent l'exercice interpro et collaboratif sous toutes ses formes : pôles, maisons, centres de santé ou cabinets de groupe. « lI y a une envie forte d’exercer collectivement, de partager les frais, de mettre commun ses connaissances, détaille le Dr Sophie Augros, présidente du Regroupement autonome des généralistes jeunes installés et remplaçants (ReAGJIR). Ce désir doit être d’autant plus encouragé qu’il permet une continuité, voire une permanence des soins ».
La plupart des structures jeunes sont prêtes à se mobiliser fortement contre toute entrave à la liberté d'installation. L'Intersyndicale nationale autonome représentative des internes de médecine générale (ISNAR-IMG) appelle de ses vœux la simplification des démarches pour faciliter le début de carrière en libéral (interlocuteur unique pour la création d'un cabinet par exemple).
Davantage que pour leurs aînés, le développement des délégations de tâches est cité comme une voie d'avenir mais les jeunes veulent débattre au préalable des questions de compétence et de responsabilité. Le Dr Émilie Frelat, présidente du SNJMG, y voit un « gain de temps » pour les praticiens.
Moins d'actes, plus de forfaits
Loin du dogme du paiement à l'acte (qui n'est pas rejeté pour autant), les jeunes défendent une part accrue de rémunération forfaitaire afin de faciliter la prise en charge de patients polypathologiques ou chroniques, l'accueil des patients par un secrétariat présentiel et l'informatisation des cabinets. Ils veulent s'investir davantage dans la prévention et l'éducation thérapeutique. À ce titre, les forfaits patientèle, la rémunération sur objectifs de santé publique (ROSP) ou les nouveaux modes de rémunération sont des pistes largement acceptées.
La nomenclature tarifaire doit être mise à jour. Le médecin aura « de plus en plus un rôle d'expert, d'analyse des données de santé, qu'elles soient issues d'objets connectés, de la télémédecine ou d'équipes de santé pluriprofessionnelles », analyse l'ISNAR-IMG, qui préconise la création d'un acte long « réflectif ».
Plusieurs doléances portent sur la rémunération au cours des études. L'ISNI souhaite la revalorisation des internes « au moins à la hauteur du SMIC ». Dans la même veine, l'Intersyndicat national des chefs de clinique et assistants (ISNCCA) veut gommer les écarts de rémunération entre chefs, assistants hospitaliers universitaires et assistants spécialistes. Il déplore que l'accès au secteur II soit conditionné au clinicat et à l'assistanat.
Temps de travail, protection sociale : en quête d'équilibre
Les jeunes aspirent à regagner du temps médical, en réduisant au maximum le versant administratif du métier. A l'hôpital, les internes exigent le strict respect de la règlementation sur le temps de travail (48 heures hebdomadaires, repos de sécurité). L'ISNI rappelle les difficultés d'application de ces règles dans les hôpitaux et pose la question du temps de travail additionnel des internes.
La thématique des risques psychosociaux (RPS) est désormais jugée prioritaire, après plusieurs drames. Les chefs de clinique dénoncent la dégradation de leurs conditions de travail. Face à la maltraitance des étudiants en stage, carabins et internes préconisent une réforme du management hospitalier et réclament des moyens pour mettre en place des espaces d'échange pour gérer les conflits dans les services en difficulté.
Les remplaçants mettent l'accent sur leurs droits insuffisants en matière de protection sociale. Ils ont par exemple été exclus de la nouvelle protection maternité accordée aux femmes médecins libérales.
Banco pour la recertification
Les jeunes s'accordent à dire que la formation initiale doit être réaménagée. Le cursus est jugé trop hospitalocentré. L'ensemble des syndicats souhaitent des terrains de stage en ambulatoire dès le second cycle. « Il y a trop de divergence entre la manière dont on est formé et l'exercice futur », résume William Gens, au nom de l'ANEMF. Le développement des stages en clinique doit également s'intensifier, selon lSNI. La participation à la recherche clinique en ambulatoire est une autre demande.
La formation doit surtout être plus professionnalisante. « Aujourd'hui, le second cycle c'est l'école préparatoire aux épreuves classantes nationales [ECN] », déplore Quentin Hennion-Imbault, membre du bureau de l'ANEMF. « Il faut encourager la personnalisation des parcours – économie, histoire, recherche – et augmenter les moyens humains », plaide l'ANEMF.
Aucun syndicat junior ne s'oppose à la recertification, sous réserve que ce processus valorise le médecin. L'ISNAR-IMG souhaite allouer des moyens conséquents au développement professionnel continu (auquel les chefs de clinique veulent avoir accès).
Férus de solutions numériques
E-santé, télémédecine : les jeunes sont prêts à intégrer pleinement les nouvelles technologies et les outils numériques dans leur pratique. Pour l'ANEMF, cela passe dès les études par la multiplication des centres de simulation, ce qui suppose du personnel formé à ces techniques pour l'enseignement. L'ISNI appelle de ses voeux la création d'actes de télémédecine rémunérés comme tels. L'ISNCCA veut croire que le déploiement du dossier médical permettra de libérer du temps médical.
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