La présence des médecins sur le territoire est devenue un enjeu majeur des dernières élections municipales. Réunis lors de leur 100e congrès national à Paris, les maires et les présidents d’intercommunalité ont voulu le faire savoir et surtout partager leurs initiatives. Les uns parlent de projets locaux de santé, les autres de contrats spécifiques avec des libéraux. Mais l’ambiance est loin d’être au beau fixe.
De nombreux élus sont revenus sur la question de la liberté d’installation des médecins, en présence de la ministre de la Santé Agnès Buzyn.
« Cela fait des années que nous avons tiré le signal d’alarme. Mais les déserts médicaux avancent. Il y a des maisons médicales qui sont vides. Les communes se font de la concurrence entre nous. Je salue votre courage. Qu’allez-vous faire madame la ministre pour arrêter cette situation », a interpellé Nathalie Nieson, maire de Bourg-de-Péage (Rhône).
Jeune maire de Saint-Barthélémy-d’Agenais (Lot-et-Garonne), une petite commune de 600 habitants qui n’a plus de médecins depuis 2012, Gaëtan Malange, n’a pas pris les gants : « Que pensez-vous d’obliger des jeunes médecins qui sortent de thèse à s’installer dans les zones déficitaires comme pour les enseignants ? », a-t-il déclaré, très applaudi.
D’autres élus ont aussi plaidé en faveur du salariat dans les centres de santé ou encore de la hausse du numerus clausus.
Les médecins ne sont pas des fonctionnaires
Devant l’offensive des maires venus très nombreux pour l’écouter, Agnès Buzyn s’est montrée ferme. Non, les médecins ne sont pas des fonctionnaires comme des enseignants et la coercition n’est pas une bonne idée dans une démographie médicale faible. « On a huit à neuf années difficiles jusqu’en 2025. Aujourd’hui, il n’y a pas de territoire surdoté », a-t-elle affirmé.
Pour inciter les communes à ne plus faire de la concurrence, « une attitude qui mène droit dans le mur », la ministre de la Santé a dû donner les gages. « La politique d’accès aux soins ne sera pas pilotée de Paris. Les contrats locaux de santé vont être utilisés comme un outil de dialogue entre les élus et les ARS », a-t-elle ajouté.
Consciente que les territoires sont différents, elle a promis de donner tous les outils pour qu’ils s’organisent. Cela passe notamment par la levée des blocages administratifs qui freinent les initiatives. « Dans le PLFSS (budget de la Sécu) 2018, j’ai proposé des mesures pour déverrouiller des réglementations. Tous les exercices partagés vont être possibles par exemple », a-t-elle avancé.
La ministre de la Santé n’a pas non plus oublié le plan d’accès aux soins présenté en compagnie du Premier ministre en octobre. Un plan qui comporte de nombreuses dispositions incitatives facilitant l’installation des médecins dans les zones sous dotées.
Concernant le salariat, Agnès Buzyn se dit favorable à toute expérimentation. « Je ne suis pas discriminante », a-t-elle déclaré. Quant à la hausse du numerus clausus, elle a invité les élus à un travail prospectif. « Avant d’ouvrir largement, on doit se poser la question sur l’exercice médical en 2035 », a-t-elle conclu, sous les applaudissements.
Convaincre plutôt que contraindre pour Édouard Philippe
Mardi, le Premier ministre Édouard Philippe avait déjà tenu un discours anti-coercition devant les maires et essuyé quelques sifflets en conséquence (voir la vidéo ci-dessous) : « Je sais que certains d’entre vous aimeraient m’entendre dire que, puisque c’est l’État qui paie la formation des médecins à l’hôpital, il pourrait les forcer à s’installer là où sont les besoins ? Je ne crois pas à ce type de méthode. Elle ne correspond pas à la vision que je porte de notre société et de ses équilibres. Je crois à la liberté. Je dirais la même chose aux médecins libéraux qu’aux maires : il vaut mieux convaincre que contraindre, il vaut mieux contractualiser que sanctionner. »
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