« C'est une avancée forte », s'est félicité ce jeudi le Dr William Joubert, président de l’Union nationale des professionnels de santé (UNPS, réunissant douze organisations de libéraux). Au lendemain du comité de suivi de l'accord-cadre interprofessionnel (ACIP), le généraliste du Mans a expliqué que l'Assurance-maladie avait acté l'ouverture de négociations concrètes sur l'avenant relatif aux équipes de soins coordonnées autour du patient (Escap), « avec une revoyure en juin et une proposition définitive ». Cet avenant devrait prévoir l'expérimentation nationale pour trois ans de ce nouveau mode d'exercice coordonné qui se veut « souple et agile autour du patient ».
Quatre populations cibles
Le cadre a déjà été balisé, lors de groupes de travail avec la caisse. La population concernée par cette expérimentation a été définie : les patients polypathologiques chroniques de plus de 65 ans, les patients ayant été hospitalisés suite à un AVC, les patients diabétiques insulinodépendants et ceux en soins palliatifs. « Cela représente environ cinq millions de patients », précise Sébastien Guérard, vice-président de l'UNPS et président de la Fédération des masseurs-kinésithérapeutes rééducateurs (FFMKR).
Le principe de mise en œuvre est aussi bien avancé. Pour déclencher l'Escap, le soignant – médecin, infirmière, kiné, etc. – identifie un besoin de coordination d'un patient, en s'appuyant sur une grille d’inclusion basée sur différents critères, comme l’âge, la pathologie ou la mobilité, contenue dans une application dédiée, déjà proposée par trois industriels (Paymed, Idomed et Entr'Actes).
Si l’inclusion est validée, il prend contact avec les professionnels désignés par le patient pour constituer cette équipe de soins ouverte – le médecin traitant étant dans la boucle. Les échanges se font par le biais de cette appli reliée aux téléservices de la Cnam, permettant de tracer les interventions de chaque membre de l’équipe (grâce à un code traceur). En pratique, insiste le Dr Joubert, « c'est un modèle qui favorise les échanges entre les professionnels de santé, permettant d'éviter les hospitalisations ou les réhospitalisations inutiles ».
20 patients minimum ?
Longtemps promu en vain par l'UNPS et soutenu par des élus locaux (maires de France, maires ruraux), ce dispositif avait du mal à convaincre l'Assurance-maladie, cette dernière craignant une « forme de concurrence » avec les autres modes d'exercice comme les équipes de soins primaires, les maisons de santé ou les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS). Mais ces réserves semblent en partie levées. « Nous sommes complémentaires, se défend Sébastien Guérard (FFMKR). Les Escap permettent de répondre aux demandes de soins de proximité d'un patient complexe ayant déjà des acteurs de soins autour de lui mais qui n'ont pas forcément de temps ou les outils pour échanger et pour aller chercher d'autres professionnels comme un médecin traitant qui manque ».
L'engagement de la Cnam de finaliser les négociations pour lancer l'expérimentation nationale constitue un premier pas. Reste à définir le mode et les conditions de rémunération, ce qui n'est pas rien. L'UNPS défend une valorisation en deux temps : une première incitation récompensant l'engagement de chaque soignant dans l'Escap, dès le téléchargement de l'appli mobile, via une « ligne supplémentaire » dans le forfait structure pour les médecins ou un Fami (forfait unique d'aide à la modernisation et à l'informatisation) pour les autres professionnels ; et un forfait venant rémunérer l'usage de cette appli de coordination, intégrant le volume de patients pris en charge.
Selon l'UNPS, la Cnam aurait proposé la reconnaissance de l'Escap « avec un minimum de 20 patients pris en charge par professionnel pour déclencher la rémunération ». « Ce niveau n'est pas acceptable car il est inadapté à la plupart des soignants, rétorque le Dr Joubert. En tant que généraliste, je pourrai avoir un maximum de 5 à 6 patients ciblés… » Aucun budget n'a été mis sur la table à ce stade. « Si c'est à enveloppe constante, prévient l'ancien secrétaire général du SML, ce ne sera pas possible ».
*Audioprothésistes, biologistes responsables, chirurgiens-dentistes, masseurs kinés, infirmiers, médecins, orthophonistes, orthoptistes, pédicures-podologues, pharmaciens titulaires d'officine, sages-femmes et transporteurs sanitaires
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