Après s’être spécialisé en chirurgie cardiovasculaire pédiatrique, Simone Speggiorin s’est offert une expérience anglo-saxonne d’abord à Boston puis à Londres.
De retour en Italie à 28 ans, le jeune médecin trouve toutes les portes fermées ou quasiment. « J’ai réussi le concours d’entrée à l’hôpital de Padoue mais je devais attendre trois ans avant d’obtenir un poste », relate Simone Speggiorin. Pour éviter cette longue attente, il repart à Londres au Great Ormond Street hospital, l’un des meilleurs hôpitaux pédiatriques au monde. « J’ai dû recommencer ma formation à zéro et refaire toute ma spécialisation. Au final, j’ai eu la chance d’apprendre mon métier aux côtés des meilleurs chirurgiens », affirme le praticien italien. À 37 ans, Simone Speggiorin ne regrette rien. Il travaille au Glenfield hospital de Leicester avec sa propre équipe et a déjà opéré plus de 500 enfants en quatre ans. Chaque été, il part en Inde pendant ses congés avec l’organisation humanitaire « Healing Little Hearts » pour soigner des enfants souffrant de graves malformations. L’Italie lui semble très loin désormais. « Mon pays n’est pas pour les jeunes. Nous n’avons aucune chance d’avenir. Quel gâchis ! », s’exclame-t-il, fataliste.
Six fois plus de candidats à l’exil qu’en 2009
Comme lui, de plus en plus de jeunes médecins italiens décident chaque année de fuir la crise et l’obligation de se recycler pour éviter le chômage. Selon les chiffres publiés par l’association nationale des aides et des assistants hospitaliers (Anaao), 2 363 médecins transalpins ont demandé l’an dernier au ministère de la Santé une attestation de formation professionnelle et universitaire, document indispensable pour obtenir une équivalence à l’étranger. Ce chiffre ne tient pas compte des médecins qui s’expatrient en Amérique Latine ou en Afrique, deux continents où les attestations sont superflues. « En 2009, 396 médecins avaient demandé leur attestation. Ce chiffre a sextuplé » confie Carlo Palermo, vice-secrétaire d’Anaao. À l’étranger, les hôpitaux multiplient les appels du pied pour séduire les blouses blanches italiennes à la recherche d’un emploi. « Ils sont déjà formés donc cela fait des frais en moins pour les systèmes allemands, britanniques et français qui recherchent des jeunes médecins », résume Carlo Palermo.
Que faire pour éviter cette fuite des cerveaux ? « Il faut arrêter de réduire le budget de la santé, relancer les embauches gelées en cas de départ en retraite, augmenter les salaires. En bref, remodeler le système de santé italienne », estime le responsable du syndicat hospitalier. Pour remettre à plat les comptes publics, cinq mille postes de la fonction publique ont été gelés depuis 2009 dans la péninsule, notamment dans le secteur de la santé en pleine déliquescence. Les blouses blanches tirent souvent la sonnette d’alarme. « C’est magnifique, on a refait les urgences mais sans recruter de nouveaux médecins. Du coup, le service ne peut pas fonctionner à plein régime et les assurés sont pénalisés », analyse le Pr Umberto Passano, médecin à l’hôpital San Eugenio de Rome.
De notre correspondante à Rome Ariel F. Dumont
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