Après avoir marqué des points dans les hôpitaux, la démocratie sanitaire s'installe doucement en ville. En 2016, la loi de santé de Marisol Touraine a donné un signal politique fort avec la structuration de l’Union nationale des associations agréées d’usagers du système de santé (« France Assos Santé ») et le droit à la formation des représentants des usagers. Deux avancées saluées par le monde associatif.
Toutefois, les lignes réglementaires bougent plus vite que la prise en compte effective de la place des usagers. La profession médicale elle-même doit s'habituer à un nouveau colloque singulier avec des patients mieux informés, ce qui ne va pas de soi. « Le développement de la démocratie en santé reste lent, constate le Dr Emmanuel Allory, médecin généraliste et membre du collège de la spécialité. Le patient a pourtant un vécu de sa maladie et a acquis une connaissance majeure pour son parcours de soins. Le faire entendre et le considérer, c'est difficile, il y a une remise en question de l'autorité médicale ».
La Haute autorité de santé (HAS) a tranché la question. Pour cette instance au cœur de l'évaluation, la prise en compte des savoirs des usagers est incontournable à tous les étages du système de soins, y compris pour améliorer la qualité des soins. « Plusieurs travaux montrent que, lorsque le patient est intégré, il est davantage acteur de sa santé, résume Véronique Ghadi, chef de projet à la HAS. Il est mieux formé, plus autonome et capable de partager la décision ». Des « guides » pour diffuser la démocratie sanitaire auprès des professionnels de santé sont en cours d'élaboration.
Quid du patient-expert en ville ?
Le président de l'Association française des diabétiques, Gérard Raymond, se veut optimiste. « De plus en plus de représentants d'usagers sont présents dans les institutions, il y a davantage de co-construction », se réjouit-il. Toutefois, il est nécessaire à ses yeux de « transformer la relation patient/médecin », explique-t-il. Des formations en diabétologie ont été initiées pour former des patients « ressource » pouvant participer à des programmes d'éducation thérapeutique.
Des efforts spécifiques méritent d'être portés sur la place des usagers dans la chaîne des soins de ville. « Les représentants ne sont qu'à l'hôpital mais en soins primaires et en ambulatoire, tout est à créer, résume Jean-Luc Plavis, patient-expert et cofondateur de la maison de santé pluriprofessionnelle de Suresnes (Hauts-de-Seine) où il porte la parole des usagers. On parle de parcours de santé du patient, c'est pourquoi on ne peut plus passer à côté des soins de ville. »
À son initiative, cette MSP francilienne a mis en place une commission des usagers (comme à l'hôpital) avec plusieurs missions de proximité dont la politique d'accueil et d'information des patients. La structure participe même à une expérimentation de guichet unique pour la population. « Nous recueillons et traitons les réclamations et observations des usagers du territoire, explique Jean-Luc Plavis. Au besoin, on complète leur dossier et on les renvoie vers les établissements ». Cette initiative s'inscrit dans un objectif de facilitation des démarches. Pour les patients, juge le patient-expert, il y a « trop de portes d'entrées » comme l'Ordre, les ARS, les hôpitaux ou les structures médico-sociales. « Les usagers ne s'y retrouvent plus, c'est cloisonné et on perd du temps ». L'expérimentation est prévue pour cinq ans.
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