Ébranlé par l’émergence des réseaux sociaux, l’expert en médecine ou en santé devient-il un simple intervenant parmi d’autres, immédiatement suspecté de conflits d’intérêts ? Face à certaines associations de patients, les médecins semblent avoir de plus en de mal à se faire entendre, quand ils ne subissent pas injures et menaces en ligne, en particulier de la part d’ « anti-vaccins » et autres pourfendeurs de médicaments ou de techniques restées longtemps incontestés.
Comme l’observe le neurologue Aurélien Benoilid, beaucoup d’entre eux vivent mal l’horizontalité des débats qui a succédé à la verticalité parfois paternaliste du médecin qui sait par rapport au patient qui reçoit. Mais la mise sur un même plan de l’expert « reconnu » et de l’expert autoproclamé n’est pas pour autant gage de transparence et d’impartialité.
« Tous experts ? »
Lors d’une table ronde intitulée « Tous experts ? », plusieurs médecins et scientifiques se sont alarmés non seulement de la violence des réseaux sociaux, mais aussi de manipulations, dont certaines associations seraient parfois elles-mêmes l’objet. Les conséquences peuvent être graves pour la santé publique. Les polémiques autour de la vaccination et du dépistage du cancer du sein en sont quelques exemples, a dénoncé le Pr Israël Nisand, excédé d’être « traîné dans la boue, voire traité de violeur » chaque fois qu’il s’exprime sur certains sujets.
« Il arrive un moment où le débat dégoûte et où le dialogue cesse, et j’ai décidé de démissionner de certaines instances pour cette raison », a-t-il annoncé lors de cette table ronde. Le psychologue Philippe Breton constate, pour sa part qu’une véritable « guerre civile intellectuelle » est en train de tuer l’échange. À ses yeux, réapprendre le débat est d’autant plus urgent que la rationalité, comme la démocratie, n’est plus aujourd’hui une évidence absolue.
Jusqu'où admettre le doute ?
Faut-il pour autant faire le procès à charge de toutes les associations de patients, dont beaucoup font preuve d’un dévouement désintéressé et nécessaire ? Jusqu’où la médecine et la santé peuvent-elles admettre le doute et le scepticisme ? Il faudrait surtout s’assurer que les « nouveaux experts » télévisés ou en ligne ont un minimum de connaissances et ne soignent pas que leur propre notoriété, ont estimé les intervenants. La journaliste santé Brigitte Fanny-Cohen s’est, pour sa part, inquiétée de la vogue des « coachs santé ».
« Nous avons été formés pour soigner nos patients dans ce qui nous semble être leur intérêt », a relevé le Pr Nisand, en se demandant si les médecins, à terme, n’auront d’autre choix que celui de leur proposer des options.
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