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Olivier Véran : « On ne prend pas la direction de l’augmentation de la valeur du C »

Publié le 15/09/2020
Olivier Véran : « On ne prend pas la direction de l’augmentation de la valeur du C »


Sebastien toubon

Tarifs, spécialités, CPTS : dans un entretien exclusif avec « le Quotidien », le ministre de la Santé précise ce qu'il attend des discussions qui s'ouvrent jeudi à la CNAM pour la médecine libérale. « On ne prend pas la direction de l’augmentation de la valeur du C », confie-t-il. En revanche, la visite fait partie des « pistes sérieuses ». Il demande un rattrapage dans certaines spécialités médicales.

LE QUOTIDIEN : Des négociations s’engagent pour la médecine de ville. Quelle sera l’enveloppe à disposition du DG de la CNAM ? Serez-vous aussi « généreux » qu’avec l’hôpital ?

OLIVIER VERAN : Avec ces négociations conventionnelles, nous voulons adresser un signal fort à la médecine libérale. C’est une année particulière : les syndicats vont préparer leurs élections professionnelles 2021, il y a un nouveau directeur général de la CNAM, c’est beaucoup de changement. Là aussi, je veux que ça aille vite ! Il y aura de l’argent pour investir sur la médecine de ville mais l’enveloppe n’est pas arrêtée car la négociation doit d’abord porter sur le fond. 

Dans le cadre de ces négociations, excluez-vous une revalorisation uniforme de la consultation ? Allez-vous privilégiez les forfaits, la rémunération sur objectifs pour certaines spécialités, comme le suggère votre lettre de cadrage ?

Je n’exclus rien mais soyons très clairs : on ne prend pas la direction de l’augmentation de la valeur du C. On s’oriente vers des revalorisations qui correspondent à de bonnes organisations, qui permettent un rattrapage dans certaines spécialités médicales sans actes techniques, Je souhaite qu’on puisse « équilibrer » davantage les choses, en permettant aux spécialités médicales les moins valorisées d’être mieux reconnues. 

Quid de la revalorisation des visites à domicile ?

Cela fait partie des pistes sérieuses de la discussion.      

Jusqu’où faut-il déverrouiller la télémédecine ?

Je souhaite qu’on conserve au maximum les simplifications en matière de télémédecine et de télésanté. Le premier verrou que j’ai fait sauter, c’est celui du reste à charge avec la prise en charge des téléconsultations à 100 %. J’ai souhaité prolonger, hors crise, le remboursement à 100 % car c’est un vecteur de simplification. Souvenez-vous du débat sur le tiers payant généralisé… Le meilleur moyen d’éviter le reste à charge, c’est quand l’assurance-maladie est très forte.

Au-delà, les partenaires conventionnels devront trouver des assouplissements et sortir des carcans, dès lors que cela ne remet pas en cause la qualité des pratiques.  

Les CPTS [communautés professionnelles territoriales de santé] peinent à décoller. Ne faut-il pas rémunérer aussi la coordination des médecins libéraux dans un cadre plus souple, autour d’équipes libérales par exemple ?

Je suis très agréablement surpris, lorsque je me déplace sur le terrain, de constater que les CPTS qui fonctionnent déjà sont plébiscitées par les professionnels de santé, les élus et les patients. Environ 40 % du territoire français est couvert. C’est pourquoi il faut accélérer leur déploiement.

Mais je veux être pragmatique : il y a un salut possible en dehors de ces groupements formalisés, lorsque certaines organisations fonctionnent dans la durée et sont capables de prouver qu’elles rendent service aux usagers. Je ne veux pas braquer la profession en forçant tout le monde à intégrer tel ou tel schéma et arrêter ce qui marche. Je n’aimerais pas comme médecin qu’un ministre me demande cela. Mais je le redis : le modèle des CPTS doit être promu car il apporte de la lisibilité aux soignants et demain à la population. Je veux que cette lisibilité soit garante de l’amélioration de l’offre de soins. 

Le Ségur évoque une « rénovation » de la permanence des soins ? Envisagez-vous la remise en cause du volontariat pour les médecins libéraux ?

Non. Nous n’avons pas vocation à revenir sur le principe du volontariat, acquis par la profession en 2003/2004. Mais nous voulons encourager très fortement la structuration de la permanence des soins d’une part et de la continuité des soins en journée d’autre part, dans l’intérêt des patients. Cela rejoint notre objectif de valorisation financière de l’engagement des médecins libéraux dans la prise en charge des soins non programmés, qui sera une des conditions de la réussite du futur service d’accès aux soins, accessible à toute heure, partout en France tout en renforçant la coopération ville-hôpital.

Propos recueillis par Irène Drogou, Cyrille Dupuis et Martin Dumas Primbault