Le divorce est consommé entre Agnès Buzyn et le Syndicat national des médecins remplaçants des hôpitaux (SNMRH). Sa présidente, le Dr Lynda Darrasse, annonce au « Quotidien » avoir reçu, dans le courant de la semaine dernière, une plainte ordinale à son encontre déposée directement par le ministère de la Santé.
Selon son avocat, elle y est accusée de porter atteinte à la continuité des soins après avoir publié, en mars dernier, une « liste noire » des hôpitaux qui plafonnent la rémunération des médecins intérimaires.
En vertu d'un décret d'application de la loi de santé 2016, pour contractualiser avec un praticien remplaçant dans une spécialité en tension dans son établissement (anesthésie, urgences, réanimation, obstétrique), un directeur d'hôpital peut désormais payer au maximum 1 404,05 euros brut pour 24 heures de travail depuis le 1er janvier 2018 – ce sera 1 287,05 euros en 2019, puis 1 170,04 euros à partir de 2020.
Vent debout contre cette mesure, un collectif de médecins remplaçants, devenu ensuite le SNMRH, avait publié en mars sur son site Internet la liste des hôpitaux qui appliquent ce plafonnement, encourageant ses adhérents à ne pas aller y travailler.
Dans le courant de l'été, Agnès Buzyn avant dénoncé à plusieurs reprises « l'attitude irresponsable » des médecins remplaçants qui gagnent en un jour « le salaire moyen de beaucoup de Français » et les qualifiant de « mercenaires (...) payés 2 000 euros par jour ». À l’époque, l'Ordre était aussi monté au créneau, dénonçant des comportements « peu soucieux du devoir d'humanité envers les patients ».
Quelques mois plus tard, le ministère a visiblement décidé de hausser le ton en demandant à l'Ordre une suspension d'exercice de trois mois à l'encontre du Dr Lynda Darrasse, selon l'intéressée.
Liberté syndicale
« C'est une politique de terreur », tonne Me Marc Bellanger, chargé de la défense du Dr Lynda Darrasse. L'avocat spécialisé en droit public dénonce les méthodes du ministère qui adresserait une plainte sans avoir reçu le syndicat qui en avait pourtant fait la demande, comme l'indiquait sa présidente dans nos colonnes.
Pour Me Marc Bellanger, il n'y a aucune faute déontologique : « Les médecins n'ont fait qu'exprimer une protestation, une liberté syndicale. » Peut-être s'y sont-ils mal pris reconnaît-il. « Ils auraient dû attaquer le décret au Conseil d'État, mais ils étaient mal conseillés, c'était spontané. » L'avocat parisien conteste aussi les éléments de preuve avancés par le ministère dont la plainte ne repose que « sur un e-mail et des articles de presse ». Un peu léger selon lui pour « faire porter à (sa) cliente la responsabilité des pénuries à l'hôpital ».
Le Dr Lynda Darrasse a désormais un mois pour produire un dossier de défense avant une éventuelle réponse du ministère attendue « pour l'été 2019, pas avant », assure Me Bellanger.
De son côté, le ministère de la Santé confirme ce lundi au « Quotidien » avoir déposé plusieurs plaintes et dénonce un comportement contraire à la déontologie. Il fait remarquer qu'il s'agit là d'une action rarissime qui montre toute la mesure de la portée symbolique de l'action.
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