« Médecine générale, un choix assumé », « animés par une cause, plutôt que par la maximisation du profit », « goût marqué pour le changement institutionnel » : voici quelques traits des médecins libéraux engagés dans des projets permettant de déroger aux règles de financement. Issues du budget de la Sécu 2018 (article 51), les expérimentations innovantes d’incitation à une prise en charge partagée (Ipep) et de paiement en équipe de professionnels de santé en ville (Peps) visent à tester la rémunération forfaitaire, en complément ou en substitution du paiement à l'acte.
Pour y voir plus clair, l'Institut de recherche et documentation en économie de la santé (Irdes) a mené 17 entretiens en 2021 auprès de ces libéraux volontaires pour porter de tels projets (souvent chronophages). « En s'intéressant à leur trajectoire professionnelle, il est possible de comprendre comment celle-ci façonne leur capacité à se saisir de telles opportunités », expose l'étude.
Ces « pionniers », majoritairement des hommes âgés de plus de 50 ans, revendiquent la médecine générale comme un « choix » à part entière « contribuant à la revalorisation d’une spécialité longtemps considérée comme une filière de relégation ». « Lors de mes études, je me suis aperçu que la médecine générale était la discipline de médecine qui offrait le plus, à la fois, de relations humaines et, à la fois, de diversité dans son exercice », rapporte l'Irdes citant un médecin. Plusieurs généralistes engagés dans ces expérimentations louent ainsi la richesse de leur spécialité (dimension relationnelle, technique), « la durée des prises en charge », l'accompagnement et le suivi des patients (notamment chroniques). Pour eux, l'innovation en santé permet de valoriser cette médecine de parcours.
Ces volontaires saluent aussi leur « liberté d'entreprendre ». Leur engagement libéral est envisagé comme « une marque d’indépendance, un moyen d’exercer un contrôle sur les conditions de travail », notamment les horaires et la rémunération. Pour eux, la valorisation de la médecine générale « ne passe pas ou plus » (seulement) par la filière universitaire mais plutôt par « une transformation structurelle (...) donnant une place centrale aux soins de premiers recours ».
Habitués du jargon
Autre caractéristique : la « forte présence des représentants syndicaux et professionnels dans les expérimentations », pointe l'Irdes. Certains libéraux trouvent dans ces aventures locales le prolongement de leur engagement syndical. « Ces acteurs sont animés par une cause, plutôt que par la maximisation de leur profit, à savoir la transformation des règles institutionnelles au sein du champ médical en faveur de la structuration des soins primaires », écrit l'Irdes.
Plusieurs témoignages mettent en avant le choix de « participer au changement » plutôt que le subir, « un état d'esprit de pionnier, de défricheur ». Les expériences syndicales ou institutionnelles des porteurs facilitent à l'évidence leurs démarches. « On avait des liens avec les interlocuteurs, on savait parler ʺARSʺ, on savait parler ʺCpamʺ, on avait des éléments de langage à la fois administratifs, réglementaires », indique un expérimentateur. Sans surprise, ces porteurs de projets prônent une transformation de l'exercice où « le travail pluriprofessionnel peut s’épanouir », avec une stratégie de prise en charge territoriale et populationnelle.
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