À l'initiative de l'Association des maires ruraux de France (AMRF), les représentants santé de cinq candidats à l'élection présidentielle (Emmanuel Macron, Yannick Jadot, Éric Zemmour, Nicolas Dupont-Aignan et Valérie Pécresse) se sont positionnés sur les propositions anti-déserts médicaux exposées il y a quelques jours par un collectif soignant et citoyen* regroupant 35 organisations (dont les libéraux de l'UNPS). Stages hors CHU, guichet unique d'installation géré par le départemental, coordination des soins et nouveaux partages des compétences : aucune de ces mesures n'a, par principe, soulevé de désaccord majeur de la part des experts santé des candidats.
Plusieurs cartouches pour la coordination
Au contraire, tous ont salué le travail du collectif, en particulier sa proposition de créer des équipes de soins coordonnés autour du patient (Escap), dites équipes « ouvertes », pour répondre aux inégalités territoriales. Ce modèle pluriprofessionnel, « simple et souple », est poussé fortement par l'Union nationale des professionnels de santé (UNPS). Selon son président, le Dr William Joubert, cette forme de coordination de proximité serait « très complémentaire » des maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP) qui prennent déjà en charge quatre millions des Français. Dans ce schéma, c'est le soignant (médecin, infirmière, etc.) qui identifie le besoin de coordination d'un patient et sollicite via une appli d'autres professionnels désignés par ce patient pour constituer l'équipe de soins.
L'absence de formalisme de cette coordination a marqué des points chez les représentants des candidats. « C'est très bien ces équipes, il faut les mettre en place ! s'enthousiasme Alain Durand, chirurgien-dentiste, représentant d'Éric Zemmour (Reconquête). On ne doit pas avoir seulement une cartouche à tirer. On a bien vu que les CPTS [communautés professionnelles territoriales de santé] ne fonctionnent pas du tout. » Le délégué santé de Yannick Jadot (EELV), seul représentant de la gauche, partage cet avis, avec une nuance. « Oui, on est très favorables à ces équipes de soins ouvertes pour renforcer la qualité de la prise en charge, résume Béchir Saket, mais pas forcément autour du médecin traitant. Le rôle des infirmiers libéraux doit être aussi repensé dans le cadre de la coordination. »
Pas en reste, le Dr François Braun, référent santé pour Emmanuel Macron, adhère lui aussi aux « Escap ou à leurs équivalents ». « Il ne faut pas s'enfermer dans des acronymes », glisse-t-il. Le président de Samu-Urgences de France rappelle au passage la proposition du candidat Macron d'instaurer « des infirmiers ou pharmaciens référents. » « L'idée est d'avoir un professionnel de santé de proximité qui va être la porte d'entrée. Il ne va pas faire toute la coordination qui est le rôle du médecin », ajoute-t-il. Une autre question affleure, celle des incitations financières. « Comment comptez-vous rémunérer les médecins généralistes dans le cadre de ces équipes ? », interpelle la Dr Véronique Rogez, référente santé de Nicolas Dupont-Aignan. Une question également posée dans le cadre conventionnel.
S'appuyer sur les pharmaciens
Les conseillers santé ont ensuite évoqué la question plus sensible du partage des compétences et de l'accès direct à d'autres professions que les médecins. « Je suis pour un bouleversement des pratiques, lance le Pr Philippe Juvin, au nom de Valérie Pécresse (LR). La crise a permis notamment de mieux s'appuyer sur les pharmaciens, il faut capitaliser sur le succès de la vaccination et des tests en officine. Je souhaite que d'autres professionnels se voient confier des tâches, y compris avec des formations dans un cadre coordonné autour du médecin traitant. »
Du côté des Verts, Béchir Saket plaide pour un travail « de fond » permettant d'identifier ce qui relèvera « de nouvelles pratiques devant être libérées » et/ou « revalorisées ». « Quand j'entends qu'une jeune fille qui veut se faire dépister pour une cystite ne peut pas le faire car la pharmacie n'appartient pas à la CPTS, ce n'est pas acceptable, regrette le conseiller de Yannick Jadot. Il faut laisser moins de place au caractère protocolaire et aux batailles corporatistes ! »
Pour le Dr Braun (majorité présidentielle), le partage des compétences ne doit surtout pas découler d'« une décision verticale ». « Les professionnels de santé devront se mettre autour de la table pour organiser ces transferts, comme pour la cystite », dit-il. L'urgentiste conçoit que les délégations de compétences puissent avoir « un impact direct sur les revenus ». « Il faudra donc voir comment et quoi déléguer et quels sont les actes à revaloriser. Il faut penser aussi aux actes intellectuels, qui sont importants dans notre métier. »
* Parmi les 35 signataires du collectif soignant et citoyen : l'Union nationale des professionnels de santé (UNPS), des syndicats de médecins libéraux (CSMF, SML, FMF), d'infirmiers (SNIIL, Convergence), de pharmaciens (Uspo et FSPF), de kinés (SNMKR, Alizé), l'Ordre national des médecins (Cnom) et des kinés (Cnomk), les représentants des étudiants en médecine (Anemf), des internes en médecine générale (Isnar-IMG) et des remplaçants (Reagjir) mais aussi des hospitaliers (Samu-Urgences de France, présidents de CME de CH), des élus (petites villes de France, maires ruraux) ou encore des citoyens (Association des citoyens contre les déserts médicaux).
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