Les prescriptions hors autorisation de mise sur le marché (AMM) englobent toutes celles qui ne correspondent pas aux mentions légales des AMM délivrées par l’agence nationale de la sécurité du médicament (ANSM), que ce soit en termes d’indications ou de posologie. Cette AMM attribuée au vu des études cliniques versées au dossier d'enregistrement et menées dans des indications bien déterminées tenant compte du rapport bénéfice/risque est à géométrie variable ; elle peut différer entre les pays européens et d’un continent à l’autre, certaines molécules ont l’AMM aux États-Unis mais pas en Europe et inversement.
Hors AMM, des molécules très utiles
« Pourtant, certaines molécules prescrites hors AMM en urologie ont rendu d’énormes services dans un passé récent, et en particulier dans les troubles fonctionnels du bas appareil urinaire et la médecine sexuelle », note le Pr Giuliano. Ainsi la prostaglandine E1 (PGE1) administrée par voie intracaverneuse (alprostadil, Caverject, Edex) a dès 1986 fait preuve de son efficacité dans le traitement de la dysfonction érectile (DE), mais l’AMM n’a été délivrée qu’en 1994, un long délai pendant lequel les urologues ont prescrit hors AMM ces injections que les patients pratiquaient ensuite à domicile et qui les amélioraient nettement. « Contrairement à ce qu’on pense souvent, les industriels sont susceptibles de travailler avec une certaine lenteur et les praticiens déplorent cette longue inertie avant d’obtenir une AMM », remarque l’urologue. Toujours pour l’alprostadil, il est régulièrement proposé aux personnes qui ne répondent pas à la dose maximale enregistrée (20 µg), des posologies supérieures de 40 voire 60 µg, la posologie de 40 µg ayant l’AMM en Allemagne et aux États-Unis. On prescrit aussi depuis 35 ans hors AMM la papavérine en injection intracaverneuse en particulier chez les patients chez qui les injections de PGE1 sont douloureuses. Il s’agit de la première molécule dont la capacité à restaurer l’érection a été démontrée dès 1982, mais aucun industriel n’a souhaité la développer dans cette indication.
Antidépresseurs, toxine botulique, ...
Des antidépresseurs ont été longtemps prescrits pour aider les patients se plaignant d'éjaculation prématurée. On avait en effet constaté que les personnes déprimées recevant des antidépresseurs inhibant sélectivement la recapture de la sérotonine (ISSS) -paroxétine, fluoxétine, citalopram- ou la clomipramine, un tricyclique, introduits au début des années 1990 rapportaient fréquemment des retards à l’éjaculation ; cet effet secondaire a été alors largement utilisé pour retarder l'éjaculation si elle était prématurée. Il a fallu attendre 2014 pour qu’un ISRS, la dapoxétine, obtienne l’AMM dans cette indication, alors que son mécanisme est identique à celui des autres ISRS qui n’ont pas l’AMM et sont encore largement prescrits !
Le gel Emla, combinaison de lidocaïne et prilocaïne, qui retarde l’éjaculation en anesthésiant le gland est également prescrit hors AMM dans cette indication.
L’injection intradétrusorienne de la toxine botulique A sous contrôle endoscopique permet de traiter l’hyperactivité vésicale (HAV). « La première publication dans le NEJM faisant état de son efficacité dans l’HAV d’origine neurologique date de 1999. Elle a représenté une révolution dans la prise en charge thérapeutique de la vessie neurologique, et les urologues spécialisés en neuro-urologie ont pratiqué ces injections pendant plus de 10 ans hors AMM puisque ce n’est qu’en 2012 qu’a été obtenue l’AMM dans cette indication », rapporte le Pr Giuliano. Et les anticholinergiques utilisés depuis longtemps afin d’améliorer la composante vésicale des troubles mictionnels de l’homme liés à une HBP n’ont pas non plus l’AMM dans cette indication.
La clomipramine, efficace dans les douleurs périnéales chroniques chez l’homme essentiellement, n’a pas non plus d’AMM dans cette situation.
D’autres prescriptions hors AMM sont plus marginales, comme celle du sildénafil qui améliore la sexualité des femmes blessées médullaires ou atteintes de SEP mais n’a pas d’AMM dans cette indication malgré les études montrant son efficacité. La midodrine, indiquée dans le traitement de l’hypotension orthostatique peut être utilisée hors AMM en combinaison avec une stimulation vibratoire pénienne afin d’optimiser le recueil de sperme en vue de procréation chez les paraplégiques anéjaculateurs.
La prescription de diverses molécules en injections intracaverneuses hors AMM dans la maladie de Lapeyronie -corticoïdes, interferon, minoxidil, verapamil, etc.- est plus discutable et leurs efficacités incertaines, mais ce n’est que depuis quelques mois qu’une collagénase a reçu l’AMM dans ce contexte.
D'après un entretien avec le Pr François Giuliano, hôpital Raymond Poincaré (Garches)
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