EN 2011, la Haute-Normandie est la troisième région la moins bien dotée en médecins. L’Eure, qui compte 179 praticiens pour 100 000 habitants (contre 333 en moyenne), est le département le plus sinistré. En médecine générale, 27 % des praticiens ont plus de 60 ans (23 % en France). Face à ce constat, l’agence régionale de santé (ARS) et le département de médecine générale de la Faculté de Rouen ont développé un outil expérimental pour « contribuer à refixer à court terme des médecins généralistes en zones déficitaires ».
Médecin militaire et biologiste déjà signataires.
Sur le modèle de l’actuel contrat d’engagement de service public (CESP), dispositif gouvernemental qui attribue une bourse aux étudiants en médecine en contrepartie d’une installation en zone sous-dotée pour une durée équivalente, la tutelle régionale et la faculté de médecine veulent permettre aux médecins installés désireux de changer de spécialité d’exercer la médecine générale. Ils signent alors un contrat de « requalification » de deux ans, durée inférieure aux trois années « classiques » d’internat.
En contrepartie d’une année de financement (1 500 euros par mois), ils s’engagent à s’installer deux ans en zone déficitaire. La première signataire est une jeune Allemande, diplômée dans son pays d’origine, qui a exercé la médecine militaire pendant deux ans en Afrique. Le second est un médecin biologiste français, avec plus de dix ans d’exercice. À la rentrée, un médecin du travail devrait être le troisième lauréat.
« Chaque formation est cousue main, adaptée au médecin en demande après évaluation de son parcours et de son expérience, assure le Pr Jean-Loup Hermil, directeur du département de médecine générale de la faculté de médecine de Rouen. Elle se compose d’un an de stage à l’hôpital - dont six mois en service d’urgence - et d’un an en cabinet de ville ». Les modalités changent selon le profil de carrière du médecin. « On appuiera davantage sur la prescription pour un médecin du travail comme on travaillera moins la gériatrie pour un médecin qui a déjà exercé en soins de suite et de réadaptation », commente le Pr Hermil. Restera ensuite au diplômé à présenter son dossier de requalification au conseil de l’Ordre des médecins pour obtenir son autorisation d’exercice en médecine générale.
Reconversion express.
Cette formation accélérée à la médecine générale divise le milieu médical. L’Ordre des médecins y est favorable. « Tant qu’il y a bien une évaluation des compétences et du niveau de connaissances de l’intéressé, déontologiquement, il n’y a rien de condamnable, explique le Dr Walter Vorhauer, secrétaire général du CNOM. On parle ici d’un praticien expérimenté, pas d’un étudiant. Et deux ans de formation en France valent mieux que six mois à l’étranger ». Le Dr Claude Leicher, président de MG France, y voit pour sa part « une reconnaissance de la spécialité de médecine générale ». À l’inverse, l’UNOF ( branche généraliste de la CSMF) s’agace de cette « reconversion express méprisante » pour la profession. « Est-ce que l’on accepterait qu’un médecin généraliste devienne cardiologue en deux ans ? », interroge le Dr Michel Combier, président du syndicat.
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