« Le médecin roumain profite des aides des mairies et s’en va », titrait « Ouest France » dans son édition en ligne. Le Dr Nicoleta Smau ne décolère pas depuis la parution de cet article paru début février. Le journal évoquait les pérégrinations de cette généraliste roumaine qui a exercé dans trois villages bretons en moins de trois ans, profitant à chaque fois de généreuses conditions d’installation : loyers gratuits pendant un an pour son cabinet et pour son domicile, aide à l’équipement.
Opportunisme financier ? Médecin mercenaire ? Contacté par « le Quotidien », le Dr Smau réfute ces accusations, mais elle ne souhaite pas s’expliquer au téléphone sur ses déménagements successifs. « On a sali mon image, vitupère la généraliste. C’est du harcèlement. Je vous garantis que ceux qui ont écrit cela sur moi devront s’excuser. Je veux rétablir mon image ! »
Elle en veut plus particulièrement au maire de Plumelec, petite commune du Morbihan, où elle s’est installée en juin 2017… pour en partir fin novembre, moins de six mois plus tard. Stéphane Hamon a raconté ses mésaventures à « Ouest France ». Dans l’édition de décembre 2017 du bulletin communal, il regrette le départ précipité du médecin, qui « n’a été précédé d’aucun préavis », et lui reproche de ne pas avoir prévenu tous ses patients, ce que dément le Dr Smau.
« Elle était déroutante »
Sans animosité, le maire évoque la personnalité complexe de ce médecin, qui posait parfois des lapins aux patients, se plaignait très souvent de ses conditions de travail auprès des élus. « Elle était très déroutante, confie Stéphane Hamon au Quotidien. Son comportement n’incitait pas à la confiance. »
Elle entretenait également des relations difficiles avec l’autre médecin de la commune (également roumaine), avec laquelle elle partageait la même salle d’attente. Le maire organisera une réunion de médiation pour aplanir les difficultés, sans succès. Le 30 novembre 2017, il reçoit un courrier du Dr Smau, l’informant de son départ, dès le lendemain. « La commune avait fait de gros efforts financiers pour faciliter son installation, rappelle le maire. Mais ce qui m’inquiète aujourd’hui, c’est la casse morale que ce départ entraîne pour la population. »
La généraliste n’a pas non plus laissé un bon souvenir à Brasparts, village du Finistère, où elle s’était installée en janvier 2015. « Elle est restée un an, raconte le maire, Jean-Pierre Broustal. Elle avait un fonctionnement bizarre. Elle travaillait quand elle voulait. Parfois, elle ne venait pas aux rendez-vous, ou alors elle renvoyait les patients de la salle d’attente en leur disant qu’elle avait fait assez de consultations pour la journée. » Là encore, la mairie réglait le loyer du cabinet et du logement.
Des communes qui déroulent le tapis rouge
Depuis le 15 janvier 2018, le Dr Smau a pris un nouveau départ à Pommeret, dans les Côtes-d’Armor, à une centaine de kilomètres de Plumelec. Le maire, Loïc Déron, se dit ravi de l’accueillir dans le village de 2 100 habitants où l’unique généraliste a cessé d’exercer le 31 décembre 2017.
« Elle était décidée à quitter Plumelec lorsqu’on l’a rencontrée. On lui a fait les mêmes conditions que là-bas, comme elle le souhaitait », explique-t-il. Le conseil municipal a également pris en charge le paiement des préavis liés aux baux contractés par le Dr Smau à Plumelec : 3 mois pour le logement et 6 mois pour le cabinet. La commune doit également rembourser les 4 926 euros engagés pour payer l’équipement professionnel du médecin.
« Pour l’instant tout va bien, se satisfait le maire. Le Dr Smau a du monde au cabinet. Parfois, elle y est encore à 22 heures ! » A-t-il peur que le Dr Smau lui fasse faux bond ? « Je ne suis pas à l’abri, reconnaît Loïc Déron. Elle est libre de partir dans deux mois si elle le décide. Bien sûr que ça m’inquiète. Mais on a pris ce risque. C’est tellement difficile d’avoir un médecin dans une commune comme la nôtre aujourd’hui ! »
La question se pose de nouveau à Plumelec où le maire a relancé les recherches d’un praticien. Mais il dit être plus vigilant sur le recrutement. « J’ai retenu la leçon, affirme Stéphane Hamon. On déroule le tapis rouge aux médecins, mais ça n’est pas une raison pour ne pas être exigeant et se montrer curieux sur le parcours des candidats. »
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