LE QUOTIDIEN - Le prochain quinquennat, si vous êtes réélu, sera-t-il marqué par une réforme aussi restructurante que HPST, ou considérez-vous avoir posé tous les jalons nécessaires au bon fonctionnement du système de santé ?
NICOLAS SARKOZY - La loi HPST mais également la loi Fourcade ont apporté des transformations très importantes de notre système de santé. Ces lois ont notamment posé le principe du décloisonnement. Auparavant, on faisait des lois sur l’hôpital, puis sur la santé publique, ou sur la gouvernance, chacune prise isolément comme si tout cela n’était pas connecté. La loi HPST envisage l’ensemble du champ sanitaire et médico-social, elle crée les Agences régionales de santé (ARS), voulues depuis plus de 20 ans, mais jamais faites. Je pense qu’il faut désormais laisser le temps aux acteurs de s’approprier ces réformes. Cela ne veut pas dire qu’on ne fait plus rien. En matière de santé, il faut toujours innover, avancer. Les adaptations se feront plus progressivement. Nous avons par exemple introduit dans la loi de finances pour 2012, le fonds d’intervention régional, pour assurer le décloisonnement des financements. Je souhaite qu’on puisse aller plus loin. Je souhaite en particulier introduire davantage de qualité et de transparence dans l’offre de soins, et garantir l’accès aux soins sur chaque territoire en travaillant avec les professionnels.
EN MATIÈRE DE SANTÉ, IL FAUT TOUJOURS INNOVER, AVANCER
La loi HPST a supprimé la notion de service public hospitalier. Considérez-vous que l’hôpital doit être dirigé comme une entreprise ?
Je suis très attaché au service public hospitalier. On voit mal comment on pourrait assimiler un hôpital à une entreprise, puisque l’hôpital a des missions d’intérêt général. Mais est-ce que cela veut dire que l’hôpital doit rester éloigné des préoccupations de bonne gestion ? Est-ce que cela veut dire qu’il faut se satisfaire des déficits des hôpitaux, comme si cela était finalement naturel ? Non. Depuis 2007, nous avons réduit leurs déficits, et dans le même temps les hôpitaux ont attiré de nouveaux patients, mis en place des coopérations territoriales, certains, grâce aux investissements d’avenir, développé des centres d’excellence hospitalo-universitaires. La réalité, c’est que l’hôpital public va mieux qu’au début des années 2000, quand les 35 heures lui sont tombées dessus.
L’hôpital public n’a pas atteint le zéro déficit annoncé pour 2012. Faut-il réduire le nombre d’hôpitaux et les effectifs qui représentent 70 % des dépenses ?
Les déficits des hôpitaux ont été divisés par trois en période de crise, c’est absolument remarquable. On me parle toujours des quelques établissements en déficit, mais jamais de ceux qui sont à l’équilibre ou excédentaires, c’est-à-dire les deux tiers des établissements français. Là encore, la question n’est pas : faut-il réduire le nombre d’hôpitaux ? Mais quels sont les besoins de la population ? Et la réponse est que ces besoins évoluent. Avec l’explosion des maladies chroniques, l’allongement de la durée de la vie et l’émergence des nouvelles techniques, l’offre hospitalière doit évoluer. Par exemple, avec la chirurgie ambulatoire, le besoin en lits d’hospitalisation classique se réduit. La démographie médicale oblige les hôpitaux à coopérer sur les territoires, mais c’est une chance de pouvoir créer ces coopérations. En travaillant ensemble, on peut mutualiser les compétences, être plus forts, et offrir des soins de qualité.
Pourquoi avoir promis un décret imposant un seuil minimal d’activité en chirurgie (1 500 opérations par bloc et par an), mais ne pas l’avoir publié ? Les lobbies ont-ils fait reculer le gouvernement ?
Sur ce sujet, il fallait prendre en compte la situation de chaque territoire. C’est pourquoi, il a été demandé aux ARS de s’assurer de la bonne offre de soins au bon endroit. En santé, s’il n’est pas démontré que quelqu’un qui fait peu et rarement ne fait pas bien, il est démontré que quelqu’un qui fait beaucoup et souvent fait mieux. Nous avons constaté que les établissements, les équipes médicales s’étaient approprié ce sujet. Des coopérations ont été mises en place, des petits blocs ont fermé naturellement, des équipes se sont renforcées dans les plus gros centres créant avec les petits établissements des filières de soins. Il n’est pas toujours nécessaire de sortir un décret pour que la transformation s’opère. Il faut aussi faire confiance aux acteurs de terrain.
LA RÉFORME DE LA DÉPENDANCE SERA MISE EN ŒUVRE À COMPTER DE 2013
Les déserts médicaux persistent malgré le déploiement des incitations à l’installation. Pourquoi imposer une répartition territoriale aux seuls pharmaciens, kinés et infirmiers ? Auriez-vous trop ménagé le corps médical au cours du quinquennat passé ?
L’an dernier, il y a eu plus de médecins qui ont accroché une plaque dans une zone déficitaire que de médecins qui l’ont décrochée. Les mesures que nous avons prises sont donc efficaces, même s’il y a encore du travail à accomplir. Je suis attaché à la liberté d’installation des médecins. Ceux qui pensent qu’on peut tout imposer se trompent : on réforme avec les professionnels pas contre eux. Je rappelle que la répartition des kinés, pharmaciens, infirmières, a fait l’objet d’une concertation et ce sont les professionnels eux-mêmes qui ont trouvé les solutions. La récente convention médicale démontre que les médecins s’impliquent sur la question des déserts médicaux. Chaque territoire est différent et il faut trouver la bonne solution pour chacun, faire du « sur-mesure » : développer une maison de santé, engager des coopérations entre professionnels pour qu’une infirmière puisse réaliser des actes médicaux, amplifier les contrats d’engagement de service public pour les jeunes médecins qui s’installeront dans les zones déficitaires, etc. Sur ces sujets, il faut être pragmatique, pas idéologue.
Les renoncements aux soins se multiplient. François Hollande ne se montre-t-il pas plus volontariste que vous, lorsqu’il propose d’encadrer strictement les dépassements d’honoraires ?
C’est sans doute par volontarisme qu’il a refusé de voter la création du secteur optionnel dans la LFSS 2012 [loi de financement de la Sécurité sociale], alors que c’est une première étape importante pour lutter contre les dépassements d’honoraires ! Il y a les mots, et puis il y a les actes. Il y a ceux qui parlent, et ceux qui agissent. Nous avons créé un secteur optionnel encadrant à 50 % du tarif opposable les dépassements pour les trois spécialités de chirurgie, de gynécologie-obstétrique et d’anesthésie-réanimation. Le décret est sorti fin mars. Au moins 30 % de l’activité de ces spécialistes en secteur 2 doit se faire au tarif opposable. Par ailleurs, la prise en charge des dépassements du secteur optionnel est obligatoire dans les contrats responsables, qui représentent 90 % des contrats de complémentaire santé. Voilà une action concrète. Quelles sont les propositions du parti socialiste ? Encadrer strictement, ça veut dire quoi ? Comment souhaite-il s’y prendre ? Souhaite-il revenir entièrement sur le secteur 2 ? Une campagne, c’est fait pour être précis, pas pour entretenir le flou.
Faut-il développer plus avant le paiement à la performance des médecins libéraux ?
Oui car c’est un gage de qualité des soins, et plus généralement il faut introduire de nouveaux modes de rémunération pour les médecins libéraux. La prévention, l’éducation thérapeutique, ne correspondent pas au paiement à l’acte. Or les maladies chroniques se développent. Je compte beaucoup sur les médecins libéraux pour accompagner ces patients.
LES DÉFICITS DES HÔPITAUX ONT ÉTÉ DIVISÉS PAR TROIS EN PÉRIODE DE CRISE
La réforme de la dépendance est passée à la trappe. Comment promettre une 5e branche dès 2013, alors que les effets de la crise sont encore présents et que les comptes sociaux restent dans le rouge ?
La réforme de la dépendance sera mise en œuvre à compter de 2013, date du retour à 3 % de déficit. J’ai inclus cette réforme dans le chiffrage de mon projet. Le débat national lancé début 2011 a contribué à mieux préciser les besoins des patients et de leurs familles, dans une concertation qui a été large et nourrie. La question du reste à charge des malades ou des familles, centrale, est particulièrement importante pour les personnes ayant une retraite moyenne, qui ne bénéficient ni de l’aide sociale du département, ni d’économies suffisamment importantes pour financer l’établissement qui les accueille. Réduire le montant restant à payer par les familles une fois déduites toutes les aides, sera donc au cœur de la réforme de la dépendance que je mettrai en œuvre.
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