« Je n’ai pas envie d’exercer ce métier, aussi beau soit-il, dans les conditions actuelles et futures qui me sont offertes. » C’est le constat amer d’un interne de Brest, auteur d’une lettre ouverte diffusée sur Internet, dans laquelle il interpelle le maire de la Roche-Derrien, une petite commune des Côtes-d’Armor.
Mi-mars, ce village de Bretagne faisait croire au recrutement d’un druide pour pallier le départ d’un médecin... Une opération de com’ destinée à attirer l’attention sur ses difficultés à faire venir des généralistes dans la région.
« J’ai écris ce courrier sous le coup de la frustration, explique au “Quotidien” Antoine B.. En voyant le maire expliquer ses difficultés, raconter que sa commune avait tout pour séduire les médecins, je me suis dit qu’il n’avait rien compris au problème des déserts médicaux. »
Dans cette longue lettre, ce futur médecin livre sans fard sa vision de l’exercice libéral. Si les jeunes ne veulent plus s’installer, écrit-il, c’est parce que ce mode d’exercice a perdu son attrait, qu’il est devenu « anxiogène ».
Mainmise de l’assurance maladie sur le système de santé, tarifications inadaptées, protection sociale insuffisante, travail administratif accablant, il égrène un à un les obstacles qui, selon lui, « vont tuer l’exercice libéral ».
62 000 euros à rembourser
Aujourd’hui, Antoine B. envisage un départ à l’étranger : « Ma décision n’est pas prise, mais j’y pense très sérieusement. Même si le niveau de vie n’est pas forcément meilleur dans les pays voisins, les conditions d’exercice et la qualité de vie pour un médecin libéral y sont bien souvent supérieures. »
En faisant ce choix, il lui faudra pourtant rembourser près de 62 000 euros (dont 9 600 euros de pénalité), une somme qu’il aura perçue (sur 4 ans) en tant que signataire d’un CESP (contrat d’engagement de service public (*)). « Lorsque j’ai signé ce contrat, c’était dans le but de m’installer en zone rurale, explique l’interne qui a vu au fil des années les nuages s’amonceler sur l’exercice libéral. Ça s’est accéléré depuis 2012, avec la loi de santé, le tiers payant généralisé, les mutuelles qui pointent leur nez avec des réseaux de soins… »
Cette lettre ouverte est aussi une manière pour lui de tirer la sonnette d’alarme, d’interpeler les politiques : « Qu’ils prennent conscience de la situation. » Le futur médecin a déjà attiré l’attention de ses aînés. Le Dr Jérôme Marty, président de l’UFML (Union française pour une médecine libre) compte bien s’en faire largement écho en la diffusant auprès des maires de France confrontés aux déserts médicaux.
(*) Le CESP prévoit que les étudiants en médecine peuvent se voir accorder une allocation mensuelle à partir de la 2ème année des études médicales. En échange, les bénéficiaires s’engagent – pendant un nombre d’années égal à celui durant lequel ils auront perçu l’allocation et pour 2 ans minimum – à choisir une spécialité moins représentée ou à s’installer dans une zone où la continuité des soins est menacée.
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