TRENTE-TROIS ans après le secteur II, le contrat d’accès aux soins (ou CAS) est officiellement entré en vigueur hier. La création (par arrêté) de ce dispositif de modération tarifaire négocié dans le cadre de l’avenant 8 marque la fin d’un feuilleton d’un an, qui a parfois ressemblée à une guerre de tranchées tant le sujet divise. Quelque 9 700 médecins ont adhéré au CAS, selon les derniers chiffres communiqués vendredi au « Quotidien » par le directeur de l’assurance-maladie, Frédéric van Roekeghem. Tous les médecins concernés recevront prochaînement un courrier individuel.
La bataille a été rude. Les partenaires conventionnels avait initialement programmé le lancement du contrat le 1er juillet, avant un report au 1er octobre, puis au 1er décembre, faute d’avoir atteint le seuil exigé d’un tiers d’adhérents parmi les praticiens de secteur II éligibles.
Mais la question du nombre d’adhésions n’est plus un facteur bloquant. L’ avenant 11 récemment négocié a levé le prérequis de seuil nécessaire. Et la décision du tribunal administratif de Paris, qui a rejetté mercredi le référé de l’Union française pour une médecine libre (UFML), conforte le lancement du contrat. L’association s’opposait à son ouverture, faute de chiffres clairs sur le secteur des signataires. Elle a été déboutée.
Le gouvernement soulagé.
Mais que de péripéties pour en arriver là ! Les négociations conventionnelles avaient accouché dans la douleur, le 25 octobre 2012, de l’avenant 8 encadrant les dépassements et punissant les abus tarifaires.
L’année qui a suivi a été jalonnée d’obstacles, les soutiens au contrat d’accès aux soins fondant comme neige au soleil. MG France, qui représente les généralistes, ne s’est pas mobilisé pour défendre le CAS (même si au final un grand nombre d’omnipraticiens de secteur II ont trouvé un intérêt à le parapher). Le Syndicat des médecins libéraux (SML) a rapidement renié la signature de son ex-président, estimant dès janvier « avoir été roulé dans la farine » et demandant sans succès une renégociation. Des signataires initiaux de l’accord, seule la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF) a fait la promotion du contrat d’accès aux soins sur le terrain.
Malgré un sérieux retard à l’allumage - la caisse a lancé sa campagne de recrutement en avril - le CAS a donc recueilli un peu moins de 10 000 signataires, cap symbolique que le directeur de la CNAM souhaitait secrètement atteindre au démarrage du dispositif. Comme pour le contrat d’amélioration des pratiques individuelles (CAPI, ancêtre de la rémunération sur objectifs de santé publique), l’assurance-maladie a remporté une petite victoire en ralliant finalement à sa cause un grand nombre de médecins indécis.
Le ministère de la Santé se félicite de ce résultat. Dans l’entourage de Marisol Touraine, on confie que ce dossier extrêmement compliqué (techniquement et politiquement) a été in fine bien géré par la direction de l’assurance-maladie, malgré des aléas de calendrier. « La CNAM y a mis toutes ses forces », résume-t-on.
Mort accélérée.
Côté médecins, les conditions de recrutement ont été vivement critiquées par les adversaires au contrat.
De nombreux médecins ont confié au « Quotidien » avoir signé le contrat sous la « pression » de leur caisse primaire (lire témoignage ci-dessous).
L’UFML, la Fédération des médecins de France (FMF) et l’UCDF (chirurgiens) n’ont pas abdiqué dans leur combat anti-CAS. Ils manifesteront cet après-midi, devant le parvis de Notre-Dame, à Paris, pour dénoncer notamment le lancement de ce contrat qui, à leurs yeux, porte « les germes de la mort accélérée de la médecine libérale ». Ils sont soutenus par des représentants des cliniques (FHP-MCO) et divers syndicats d’autres professions de santé.
Les patients enfin restent sceptiques. Le collectif interassociatif sur la santé (CISS, usagers) estime qu’il
« ne résout pas la question des dépassements » sauf pour les personnes pouvant bénéficier de l’ACS.
Didier Tabuteau, responsable de la chaire santé de Sciences-Po, observe qu’au moins 2 000 praticiens du secteur I pourront dorénavant demander des compléments d’honoraires. Ce qui brouille le message sur la régulation tarifaire affichée...
L’épine des complémentaires.
Le CAS devra faire ses preuves. Plusieurs questions restent en suspens. Les médecins signataires parviendront-ils à rester dans les clous (taux de dépassement moyen maximum de 100 % du tarif Sécu, pratique tarifaire gelée...) ? La CNAM respectera-t-elle ses engagements de revalorisation progressive du secteur I ? L’informatique médicale sera-t-elle impeccable pour gérer les tarifs du contrat ? Les complémentaires, surtout, solvabiliseront-elles le CAS, et à quel niveau ?
Pour le Dr Michel Chassang, président de la CSMF, ce dernier point est crucial : « Nous ferons pression pour que les complémentaires prennent en charge les dépassements sur la base de ce qui a été décidé dans l’avenant 8 ». Leur participation doit être précisée dans les contrats responsables dont le cahier des charges sera redéfini. Selon le patron de la CSMF, le contrat d’accès aux soins est promis à un bel avenir et il devra être ouvert à l’ensemble des médecins de secteur I « le plus vite possible ». « Il faut qu’il devienne à terme un secteur d’exercice unique », suggère le Dr Chassang.
Quatre généralistes font vivre à tour de rôle un cabinet éphémère d’un village du Jura dépourvu de médecin
En direct du CMGF 2025
Un généraliste, c’est quoi ? Au CMGF, le nouveau référentiel métier redéfinit les contours de la profession
« Ce que fait le député Garot, c’est du sabotage ! » : la nouvelle présidente de Médecins pour demain à l’offensive
Jusqu’à quatre fois plus d’antibiotiques prescrits quand le patient est demandeur