LA PHOTOGRAPHIE (ci-dessus) des partenaires conventionnels paraphant, sourires aux lèvres, l’avenant 8 sur les dépassements d’honoraires et les revalorisations de secteur I (c’était le 25 octobre au siège de la CNAM), semble déjà passablement écornée et jaunie.
Après la séquence éprouvante de la négociation elle-même (un dernier round de 23 heures qui avait obscurci les esprits), il a fallu d’abord, pour les syndicats signataires (CSMF, SML et MG France), faire la pédagogie de l’accord en interne. Certains leaders ont mesuré que ce compromis qualifié d’historique n’allait pas forcément de soi auprès de leur base. « Même si la plupart des troupes ont vu l’intérêt de l’accord, on a perçu tout de suite des crispations fortes autour du secteur II », confie un président de syndicat.
Repère ou plafond ?
Mais surtout, les retrouvailles caisses/médecins ont été brutales. La première commission paritaire nationale « post avenant 8 » (CPN, réunie le 20 décembre), qui devait aborder les « principes de sélection des médecins aux pratiques tarifaires excessives » a abouti à un constat de désaccord majeur sur la définition de ces excès, les syndicats redoutant la mise en place d’une véritable « machine à sanctions », contraire à l’esprit de l’avenant 8 tout juste publié au « JO ».
Selon plusieurs participants à cette réunion, le directeur de la CNAM entend utiliser le « repère » de 150 % (au-delà du tarif Sécu) comme un critère de sélection susceptible de varier en fonction des zones géographiques, certes, à la hausse (Paris, Hauts-de-Seine, Rhône) mais aussi à la baisse (dans les départements où ce seuil est « manifestement » supérieur aux pratiques moyennes). En clair, le seuil/repère utilisable par les caisses pour déclencher une alerte au tarif abusif pourrait être immédiatement réduit - contrepartie des dérogations accordées dans les grandes villes.
Cerise sur le gâteau, le patron de l’assurance-maladie a annoncé à la profession qu’il travaillait sur un ordre de grandeur de 1 500 praticiens de secteur II (5 % des quelque 30 000) susceptibles d’être interpellés pour des pratiques excessives, et non pas 500 (chiffre volontiers cité par les syndicats de spécialistes). « C’est plus qu’une douche froide, on a plongé dans la banquise, se désole le Dr Roger Rua, nouveau président du Syndicat des médecins libéraux (SML). Ce qui avait été négocié comme un repère est devenu un plafonnement du secteur II par zone. Le directeur veut des radars partout, des radars fixes, des tronçons surveillés, des radars mobiles pour flasher qui il veut, quand il veut. Si rien ne change, nous ne serons plus dans l’esprit de la signature ». Même exaspération à la CSMF. « La procédure de sanctions négociée dans l’avenant 8 avait une visée pédagogique, la CNAM est entrée dans une logique punitive, elle veut faire du chiffre », accuse le président Michel Chassang qui dénonce lui aussi un « plafonnement » de fait du secteur II.
Crispation.
Le climat politique serait-il en train de se durcir contre les médecins libéraux ?
Certains n’hésitent pas à faire le lien entre la fermeté de la CNAM dans l’application de l’accord sur les dépassements et le remaniement (par Matignon) du cabinet de Marisol Touraine désormais dirigé par Denis Morin, ancien « dircab » de Martine Aubry lors de son passage aux Affaires sociales.
Le Dr Jean-Paul Hamon, président de la FMF (non-signataire de l’avenant 8) n’est guère optimiste. « Certains se rendent compte seulement maintenant que les 150 % inscrits dans le préambule ne sont pas un repère mais un seuil et que l’objectif de la CNAM est d’arriver à l’abaisser à 100 % ». Le généraliste prédit en 2013 une « crispation » entre l’assurance-maladie et les médecins.
MG France pour sa part n’est guère surpris du forcing de la CNAM. « Les négociations avaient déjà longuement porté sur l’établissement d’un seuil inférieur à 150 %, assure le Dr Claude Leicher, président du syndicat de généralistes. Toute la discussion était de savoir s’il y aurait un taux fixe ou un taux adaptable au niveau local ». Selon le leader syndical, la dernière option a été retenue avec des seuils qui pourront être différents d’une région à l’autre.
Courriers d’information.
La pression des pouvoirs publics devrait en tout cas s’intensifier pour aboutir à une réduction rapide des dépassements d’honoraires. La CNAM donnera des instructions aux caisses primaires fin janvier (lettre réseau). Tous les praticiens de secteur II seront informés. Les premières sanctions sont attendues avant fin mars. Selon le Dr Leicher, les partenaires conventionnels jouent gros. « Si jamais la mise en œuvre de l’article 8 ne donne pas de résultats probants, il y aura des mesures plus rigoureuses sur le secteur II », pronostique-t-il.
L’Union des chirurgiens de France (UCDF), composante du BLOC, a fait savoir qu’elle envisageait des recours juridiques contre l’avenant 8. Le syndicat a appelé ses confrères de secteur II à ne pas choisir le futur contrat d’accès aux soins à dépassements limités. « Nous continuons à examiner les possibilités d’exercice en secteur 3 (hors convention), en particulier par région et par spécialité », précise le Dr Philippe Cuq, président de l’UCDF, dans un mot destiné à ses confrères. A Strasbourg, des chirurgiens plasticiens de Strasbourg ont déjà franchi le pas du déconventionnement (Le Quotidien du 7 janvier).
La prochaine commission paritaire nationale est prévue le 17 janvier.
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