Il était surnommé le « génie du rachis ». Le Dr Gilles Norotte, ancien chirurgien de l'hôpital de Gap, est jugé à partir de ce mercredi 23 mars devant le tribunal correctionnel de Gap (Hautes-Alpes), pour avoir utilisé une technique d'intervention contestée, sans en avoir correctement informé ses patients.
Au sein du service d'orthopédie et de traumatologie gapençais, le Dr Norotte aurait opéré de 2015 à 2017 près de 120 patients en pratiquant une cimentoplastie discale percutanée (CDP). Cette technique considérée comme « non validée » en France par la Société française de chirurgie rachidienne (SFCR) – mais pratiquée à l’étranger – consiste à injecter du ciment dans une ou plusieurs vertèbres de la colonne vertébrale pour les renforcer.
Pas conforme
Suspendu depuis février 2021, puis muté d'office cinq mois plus tard après une procédure disciplinaire, le praticien est poursuivi pour « recherches biomédicales sans autorisation et sans consentement ». Dans le jugement ordinal consulté par « Le Quotidien », la chambre disciplinaire avait considéré que cette technique chirurgicale « n'a fait l’objet d’aucune recommandation de la part d’organismes publics ou de sociétés savantes en France où elle n’est pas pratiquée, sauf à titre exceptionnel, en dehors du centre hospitalier intercommunal des Alpes du Sud ».
Conséquence : cette cimentoplastie n’est « pas conforme aux données acquises de la science » et « les études médicales sur lesquelles le Dr Norotte s'appuyait ne sont pas suffisantes pour établir que cette technique, qui touche le rachis des personnes malades et qui n'est pas approuvée en France, n’est pas susceptible de faire courir des risques injustifiés aux patients ».
Défaut d'information ?
« Cette technique est reconnue, publiée depuis 2014 dans des revues spécialisées de premier plan, et elle est applicable dans la mesure où je l’ai fait pour l’intérêt des patients, ce n’était pas une recherche clinique », s’était défendu le Dr Norotte dans le quotidien « La Provence » en avril 2021. Selon son avocat, Me Alexis Chabert, le chirurgien « conteste fermement avoir commis la moindre infraction » et il pourra devant le tribunal démontrer « avoir respecté ses obligations professionnelles en ayant agi dans le seul intérêt de ses patients ».
Certains patients du chirurgien – dont une minorité a porté plainte, selon une source proche de l'enquête – avaient dû être à nouveau opérés à la suite de complications ; des soupçons avaient émergé à propos de leur bonne information sur l'intervention qu'ils allaient subir.
Dénonciation et représailles
Surtout, l’affaire des cimentoplasties discales a déclenché une grave crise interne à l’hôpital de Gap. Car, dès 2018, le Dr Raouf Hammami, confrère de Gilles Norotte dans le service d'orthopédie et de traumatologie, avait dénoncé les pratiques du chirurgien auprès de plusieurs instances du milieu médical.
À la suite de son signalement, le Dr Hammami avait été suspendu de ses fonctions, avant d'être réintégré en mars 2021 sur décision de l'agence régionale de santé (ARS). Mais au sein de l'hôpital de Gap, cette réintégration a ensuite conduit à la mise en arrêt maladie de plusieurs praticiens assurant « ne pas être en mesure de soigner aux côtés du Dr Hammami ». Démission et arrêts maladie en cascade : en avril 2021, 14 médecins étaient arrêtés, provoquant des déprogrammations dans le service de chirurgie.
Fin 2018, le parquet de Gap avait ouvert une enquête préliminaire, confiée à l’office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique (OCLAESP). Le Dr Norotte encourt jusqu’à trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende. Le procès est prévu pendant trois jours.
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