Démarchage : un verrou saute

Les médecins sentent le vent du boulet

Publié le 08/06/2011
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Crédit photo : REA

LE 5 AVRIL DERNIER, la Cour de justice de l’Union européenne a, pour faire court, décidé que l’interdiction totale du démarchage n’existait plus du côté des professions réglementées, exclusion faite des notaires, des huissiers et… des professions du champ de la santé. Pour toutes les autres, son arrêt invalide a priori les dispositions relatives au démarchage inscrites dans les codes de déontologie. « Sur le papier, je ne vois pas une chambre de discipline qui pourrait sanctionner un professionnel sur ce sujet, les règles sont devenues obsolètes », analyse Étienne Lampert, vice-président de l’Union nationale des professions libérales (UNAPL), connaisseur très pointu de ce dossier. Et si les médecins n’ont fait, cette fois, qu’entendre siffler le vent du boulet, ils doivent rester vigilants, ajoute cet expert qui constate qu’en matière de communication médicale, « les situations, en Europe, sont très disparates ».

Le récent arrêt de la Cour européenne est une étape dans la longue histoire du mouvement de libéralisation des services à l’œuvre au sein de l’UE depuis dix ans ; il est à relier en particulier à la fameuse directive « Bolkestein » (ou directive « services ») de 2006, dont sont exclus les médecins. Ce sont les experts-comptables français, en bisbilles avec le ministère du Budget, qui ont enclenché la machine en demandant au Conseil d’État d’annuler la réglementation (inscrite dans leur code de déontologie) qui leur interdit d’effectuer tout acte de démarchage. Ainsi saisi, le Conseil d’État a interrogé à son tour la Cour européenne de justice, en élargissant le débat. Sa question : les États de l’UE peuvent-ils interdire aux membres d’une profession réglementée de se livrer à des actes de démarchage ?

Tombée, donc, le 5 avril, la réponse de l’Europe est ainsi formulée : si « les États membres restent libres de prévoir des interdictions relatives au contenu ou aux modalités des communications commerciales pour les professions réglementées », ils ne peuvent pas interdire totalement et « de manière large », toute activité de démarchage, « qu’elle qu’en soit sa forme, son contenu ou les moyens employés ». Car une telle interdiction est « une restriction à la libre prestation de services transfrontaliers » : elle est « susceptible d’affecter davantage les professionnels provenant des autres États membres en les privant d’un moyen efficace de pénétration du marché français », explicite la Cour.

 KARINE PIGANEAU

Source : Le Quotidien du Médecin: 8978