L'interdiction du cannabidiol par la France retoquée par la Cour de justice de l'Union européenne

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Publié le 19/11/2020

Crédit photo : S.Toubon

La Cour de justice de l'Union européenne a tranché : la France n'a pas le droit d'interdire la commercialisation du cannabidiol (CBD) produit dans un autre État membre lorsqu’il est extrait de la plante de cannabis sativa dans son intégralité et non de ses seules fibres et graines. Si l'interdiction de l'extraction de CBD à partir de la plante entière de cannabis sur le territoire n’est pas remise en question, cet avis pourrait faire sauter l'interdiction de vente de CBD naturel en France.

Cette décision, rendue ce jeudi matin, était très attendue car elle va lourdement peser sur les décisions de justice en attente dans des procès suspendus en appel opposant l'État et des entrepreneurs (importateurs, boutiques, etc.) ayant tenté de vendre en France des produits contenant du CBD extrait en République tchèque.

Un retentissement dans plusieurs affaires 

La Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) avait été saisie par la Cour d'appel d'Aix-en-Provence dans le cadre du procès emblématique de l'entreprise Kanavape, jugée pour avoir lancé une cigarette électronique au CBD. La cour d'appel phocéenne s'interrogeait de la conformité de la réglementation française au droit de l’Union. Si cette dernière suit en effet l'avis européen, elle cassera la condamnation en première instance des deux cofondateurs de Kanavape, à respectivement dix-huit et quinze mois de prison avec sursis et à 10 000 euros d’amende. Quoi qu’il en soit, l'avis de la CJUE aura un retentissement dans d'autres affaires en suspens.

Interrogé en mai dernier par « Le Quotidien », lors de la remise des préconisations de l'avocat général Evgeni Tanchev, le maître de conférences en droit privé et sciences criminelles Yann Bisiou avait prévenu que la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (MILDECA) et le ministère de la Justice ne devaient pas « tarder à donner un cadre légal à la vente de CBD, car si la Cour européenne suit les préconisations de l'avocat général, un marché non régulé va se mettre en place ».

La législation française contraire au droit de l'Union

Pour la CJUE, une interdiction de vente de produit contenant du CBD « peut être justifiée par un objectif de protection de la santé publique mais ne doit pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour qu’il soit atteint ». Elle observe que les dispositions relatives à la libre circulation des marchandises à l’intérieur de l’Union sont applicables, dès lors que le CBD ne peut pas être considéré comme un « stupéfiant ».

Or, le droit de l’Union en matière de définition des drogues et des stupéfiants fait référence à deux conventions des Nations Unies : la convention sur les substances psychotropes et la convention unique sur les stupéfiants. Le CBD n’est pas mentionné dans la première et, « s’il est vrai qu’une interprétation littérale de la seconde pourrait conduire à le classer comme stupéfiant, en tant qu’extrait du cannabis, cette interprétation serait contraire à l’esprit général de cette convention et à son but de protéger la santé physique et morale de l’humanité », conclut la Cour.

Dans un second temps, la Cour juge que les dispositions relatives à la libre circulation des marchandises s’opposent à la réglementation française concernant le CBD mais peut être justifiée par une raison d’intérêt général. Cette dernière appréciation est laissée à la discrétion des États, mais la Cour a considéré que, dans la mesure où le CBD de synthèse n'est pas interdit en France, la décision française d'interdire le CBD issu de la plante entière n'est pas cohérente.


Source : lequotidiendumedecin.fr