Le dernier livre de Christian Delahaye

Adieu les con(servateurs)...

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Publié le 11/06/2021
Après « Scandales », qui interpellait l'Église sur la pédophilie et l'extrême-droite, puis « l'Alliance contre-nature », qui dénonçait le populisme religieux, Christian Delahaye s'en prend, dans « Adieu curé », au retour du cléricalisme catholique. Occasion de quelques règlements de compte avec une institution qu'il connaît bien.

Crédit photo : DR

L’Église se désole de manquer de prêtres ? Pas Christian Delahaye en tout cas, qui voit là un gage de renouveau pour une institution qu’il connaît de l’intérieur, et sur laquelle il pose un regard de plus en plus critique. Dans « Adieu curé » (Empreinte Temps présent
208 p., 18 €), ce théologien et journaliste (il collabore depuis longtemps au « Quotidien du Médecin ») raconte comment il faillit embrasser sur le tard le sacerdoce, avant de refuser l’ordination. Histoire de rendez-vous manqués avec les autorités ecclésiastiques de son diocèse, que l’auteur relate avec une déréliction marquée et une méfiance croissante pour tout ce qui porte col romain et a fortiori mitre.

C’est au milieu des années 1990 que le narrateur a élu domicile dans la campagne ornaise. Dans cet ouvrage, il se fait d’abord sociologue pour évoquer les mutations de ce « trou » normand — Saint-Aquilin-de-Corbion, 71 âmes — et de ce qu’il reste de chrétienté dans nos bocages : églises qui se vident (sauf pour les obsèques), curés de plus en plus rares, paroisses aux périmètres extensifs…

Images en clair-obscur de l’Église de ce début de XXIe siècle… L’auteur pointe l’anachronisme de l’époque, en décelant depuis les années 1980 un retour du cléricalisme, aussi incongru qu'hors-sol en pleine pénurie de vocations. En spécialiste des écritures, il concède que cette tension (entre les prêtres et leurs ouailles) est à l’œuvre depuis l’aube de la chrétienté. Et de faire remonter le malentendu aux récits de la Cène interprétée dans ses épîtres par un Saint Paul qui n’en avait pourtant pas été le témoin direct. De là, explique-t-il, sont nées plus tard l'eucharistie, la messe et la prêtrise.

Sur la question, l'écrivain catholique adopte une grille de lecture très protestante. Il évoque les va-et-vient des conciles, celui de Constantinople, celui de Trente et bien entendu Vatican II. Morale de l’affaire : la « caste cléricale » (comprendre, les jeunes prêtres, la plupart des évêques, la curie, certains papes) s'est évertuée depuis trente années à vider de leurs contenus les ouvertures des années 1960 en direction du « peuple de Dieu » (en d’autres termes, les laïcs). Le résultat est cruel. Selon Christian Delahaye : une Église étriquée, en rupture avec son temps et en décalage complet avec les problématiques du moment.

Paul Bretagne

Source : Le Quotidien du médecin