Écrits sur l’écriture

Au fil des mots

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Publié le 28/05/2018
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L2-Dos au mur

L2-Dos au mur

L5-L'homme qui voulait

L5-L'homme qui voulait

L6-Le Club des veuves

L6-Le Club des veuves

L1-Lettres à un jeune auteur

L1-Lettres à un jeune auteur

L7-Apprendre à lire

L7-Apprendre à lire

L4-Le Vol du gerfaut

L4-Le Vol du gerfaut

L8-L'imprimeur de Venise

L8-L'imprimeur de Venise

L3-Roman noir

L3-Roman noir

L’Irlandais Colum McCann, 53 ans, est l’auteur de trois recueils de nouvelles primés et de six romans, dont « Et que le vaste monde poursuive sa course folle », lauréat du National Book Award. Lorsqu’il commence chaque année ses cours de littérature à l’université de New York, il déclare à ses étudiants qu’il sera « incapable de leur enseigner quoi que ce soit » ! Pourtant, il transmet son savoir et son expérience dans un recueil qui n’est pas un guide pratique mais rassemble encouragements ou mises en garde, « Lettres à un jeune auteur » (1). Cinquante-deux conseils très personnels développés avec autant de ferveur que de modestie.

Sa première phrase est « J’écris parce que je vais crever ». Parce qu’il est « Dos au mur » (2), Nicolas Rey a décidé d’en finir avec les mensonges. Dans un grand élan rédempteur, le romancier (« Un début prometteur »), ex-chroniqueur hype de la télé et de la radio, avoue tout : les drogues, l’alcool, la maladie (une pancréatite aiguë), le manque total d’argent, les infidélités, les tromperies, les mensonges répétés depuis l’enfance à tout le monde, le plagiat (alors qu’il était en panne d’inspiration, il a emprunté à un ami, avec son consentement, une vingtaine de pages). Traversé par ses déclarations d’amour à son fils de 12 ans et à une certaine Joséphine, qui l’a quitté, le roman est un petit chef-d’œuvre du mentir-vrai. La réalité est dévoilée par la fabulation… sans qu’on sache dans quelle proportion.

Best-sellers

Ancienne journaliste à la radio et à la télévision, auteure d’une dizaine de romans et de six essais, Agnès Michaux poursuit une œuvre très personnelle qui fait feu de tout bois. Dans « Roman noir » (3), elle nous transporte dans une Riviera réinventée et un futur anticipé. Une certaine Alice Weiss, forte du succès de son premier roman, prétend, pour se débarrasser d’un intrus, s’appeler Celia Black, une auteure de best-sellers. Cela, alors que le corps d’une noyée a été repêché et qu’un policier a des doutes sur la véritable identité de la personne installée dans la villa de Celia Black. Un roman sur l’identité, le dédoublement de personnalité, l’imposture et la création.

Jean Contrucci, qui a publié de nombreux ouvrages, dont la série « les Nouveaux Mystères de Marseille », imagine dans « le Vol du gerfaut » (4) qu'un écrivain, académicien et lauréat du Goncourt, paye un quidam pour dérober et détruire le manuscrit du roman que son éditeur attend depuis dix ans. Motif : il estime que son texte est en dessous de ses précédents. Tout se passe comme prévu, sauf que, quelque temps après, il reçoit par la poste les épreuves de son fameux roman, sous le nom d’une jeune inconnue. Le début d’une descente aux enfers. Jean Contrucci nous plonge dans les coulisses du monde de l’édition, brocardé avec ironie et férocité.

« L’Homme qui voulait aimer sa femme » (5) est une suite du premier roman d’Hervé Pouzoullic, « le Bigorneau fait la roue », où un jeune homme partait chercher l’amour en Italie, aux États-Unis et en Russie. Dix ans après que Marc est revenu avec Vasilissa de Moscou, une famille avec deux enfants a été constituée. Tout va pour le mieux entre les amoureux sauf que, pour ranimer la flamme, notre Breton se met à écrire un livre sur sa femme comme une lettre d’amour à partager avec la terre entière. Est-il bien sage de sacrifier tous ses instants et de négliger les siens dans l’espoir d’être l’auteur d’un futur best-seller ?

Lorsque Nikki, une très jeune Sikhe installée à Londres, postule pour enseigner et animer un atelier d’écriture, elle se trouve en face d’un groupe d’Indiennes pour la plupart analphabètes et qui, pour passer le temps, ont envie de raconter leurs expériences, de se raconter. Tel est le point de départ du troisième roman, et le premier traduit en français, de la Singapourienne Balli Kaur Jaswal, « le Club des veuves qui aimaient la littérature érotique » (6). On s’embarque dans un irrésistible tourbillon d’histoires tragicomiques qui mêlent le présent – la place des femmes orientales dans les pays occidentaux, les tiraillements entre traditions ancestrales et désir de liberté – au passé – les dames âgées se souvenant de leur mariage et étalant sans fausse pudeur ni tabous leurs relations intimes. Un récit à la fois rafraîchissant et épicé.

« Apprendre à lire » (7) est un premier roman, mais pas d’un inconnu, puisque Sébastien Ministru est auteur de pièces de théâtre à succès (« Cendrillon, ce macho ») et chroniqueur vedette à la radio belge. Il s’agit d’un récit d’initiation à double niveau entre un père, veuf immigré de Sardaigne à Bruxelles, octogénaire analphabète et acariâtre, et son fils, directeur de presse, qui vit depuis trente ans avec un peintre à succès. Ils n’ont rien en commun. Jusqu’au jour où le vieil homme demande à son fils de lui apprendre à lire et à écrire. Un jeune prostitué aspirant instituteur servira finalement de pont entre les deux générations. Beaucoup de thèmes sont effleurés (l’analphabétisme, les relations filiales) qui auraient gagné à être développés.

On doit à Alde Manuce (1450-1514) d’avoir inventé ce qui allait devenir des caractères italiques et le format in-octavo, qui a permis l’impression de masse. C’est ce que l’on découvre dans « l’Imprimeur de Venise » (8), de l’Espagnol Javier Azpeitia (« Hypnos »), qui n’est pas une biographie mais une fiction mouvementée au cœur de la Venise de la Renaissance, où un homme a consacré sa vie et usé ses forces pour éditer et imprimer à grande échelle tous les classiques de la littérature grecque.

 

 

(1) Belfond, 165 p., 16 €
(2) Au diable vauvert, 266p., 18 €
(3) Joëlle Losfeld, 235 p., 18,50 €
(4) HC Éditions, 236 p., 19 €
(5) Anne Carrière, 196 p., 18 €
(6) Belfond, 345 p., 21 €
(7) Grasset, 157 p., 17 €
(8) JC Lattès, 396 p., 21,50 €.

Martine Freneuil

Source : Le Quotidien du médecin: 9668