La nature entre science et littérature

Beautés à méditer

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Publié le 16/04/2018
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L3-L'Ame d'une pieuvre

L3-L'Ame d'une pieuvre

L6-Louange des mousses

L6-Louange des mousses

L1-L'intelligence des plantes

L1-L'intelligence des plantes

L8-L'Infinie Patience des oiseaux

L8-L'Infinie Patience des oiseaux

L2-La Plante et ses sens

L2-La Plante et ses sens

L4-Miscellanées de mon jardin

L4-Miscellanées de mon jardin

L7-La Péninsule aux 24 saisons

L7-La Péninsule aux 24 saisons

Couronné par de nombreux prix scientifiques depuis sa parution il y a cinq ans, « l’Intelligence des plantes » (1) nous fait découvrir les capacités surprenantes du monde végétal. Considéré comme le fondateur de la neurobiologie végétale, Stefano Mancuso montre que les plantes perçoivent des sons, discernent des formes et des couleurs, sont capables de mémoriser, d’apprendre, de communiquer et qu’elles développent une forme de vie sociale fondée sur l’entraide et l’échange. Pour lui, et alors que les plantes forment plus de 99 % de la biomasse, il serait temps que l’Homme reconnaisse leur importance dans la dynamique de la vie, dans notre survie.

Daniel Chamovitz, biologiste et généticien renommé, préfère parler de « conscience » plutôt que d’intelligence. Dans « la Plante et ses sens » (2), il compare, pour chacun des cinq sens (auxquels s'ajoutent la proprioception et la mémoire), l’appareil sensoriel des plantes à ceux des animaux et de l’homme. Sans cerveau ni neurones, avec de tout autres moyens anatomiques et physiologiques, les plantes sont capables de percevoir avec finesse leur environnement comme nous le faisons nous-mêmes. Une démonstration à l’aide d’exemples amusants et surprenants.

De l’intelligence ou conscience des plantes à « l'Âme d’une pieuvre » (3), il y a la surprenante passion de l’auteure et naturaliste américaine Sy Montgomery pour cet animal qui alimente depuis longtemps les peurs et les légendes les plus tenaces. De l’aquarium de Boston aux récifs coralliens de la Polynésie français en passant par le golfe du Mexique, elle nous invite à un voyage extraordinaire dans la courte vie et l’incroyable intelligence de ces mollusques, qui ont chacun leur personnalité. Athéna a été sa préférée.

Anne-France Dautheville est connue pour avoir fait le tour du monde seule à moto, en 1973 (« Et j’ai suivi le vent », réédité chez Payot). C’est en faisant son jardin et en découvrant le monde végétal, que la biker d’hier s’est lancée dans une aventure aussi exaltante. Dans « Miscellanées de mon jardin » (4), qui réunit près de 200 chroniques scientifiques ou pratiques, souvent insolites, des anecdotes amusantes ou des légendes, elle défriche le jardin comme s’il s’agissait d’un nouveau continent.

Idée de cadeau printanier original, « le Petit Livre des plantes sauvages » (5) est un délicieux petit album doré sur tranche, illustré de jolis chromos d’autrefois, sur les principales plantes sauvages de France. Michel Beauvais, passionné de jardinage, de botanique et de nature, y recense plus de 70 plantes qui fleurissent les prés, les rives des cours d’eau, les talus, les fossés ou les sentiers des montagnes.

Au Japon

Ignorées le plus souvent ou chassées quand elles envahissent la pelouse en Occident, les mousses sont cultivées dans les jardins japonais ou aux abords des temples. Véronique Brindeau, qui enseigne l’histoire de la musique japonaise, se joint à cette reconnaissance en chantant la « Louange des mousses » (6). Et par là même elle nous fait accéder aux valeurs fondamentales de l’esthétique japonaise : sobriété, naturel, goût pour les marques du temps, simplicité élégante, quiétude.

Inaba Mayumi est une femme de lettres japonaise, décédée en 2014. Son œuvre (on connaît son livre de mémoires, « 20 ans avec mon chat ») a été couronnée par denombreuses récompenses, dont le prix Tanizaki, en 2011, pour « la Péninsule aux 24 saisons » (7). Traduit aujourd’hui en français, le roman a pour thème une renaissance : une femme à l’automne de sa vie, fragilisée par le suicide de sa meilleure amie, se replie dans une maison éloignée de tout et de tous, à l’extrémité d’une péninsule entre falaises et rizières. Ayant trouvé un ancien calendrier, elle fera durant douze mois l’apprentissage des vingt-quatre saisons d’une année japonaise, vivant en symbiose avec la nature, cultivant son jardin tout en écrivant des haïkus.

David Malouf, 84 ans, est considéré comme l’un des plus grands écrivains australiens (il a reçu le prix Femina pour « Ce vaste monde », en 1991). On a la chance de découvrir enfin en français « l’Infinie Patience des oiseaux » (8), un court roman publié en Australie en 1982 et salué comme un chef-d’œuvre. Le livre s’ouvre en 1914 sur les côtes sauvages du Queensland, où deux jeunes hommes, l'héritier d'un grand propriétaire terrien et un fils de paysan, se lient d’amitié autour de leur passion commune pour la nature et décident de créer un sanctuaire pour oiseaux migrateurs. Une photographe anglaise est le témoin de ces moments privilégiés, qui s’achèvent lorsque la guerre éclate et que les deux garçons décident de s’engager, passant d’un paysage merveilleux peuplé de bécasses, d’ibis et de martins-chasseurs, à la boue des tranchées. Plus tard, seuls les clichés de la jeune femme garderont le souvenir des moments partagés à célébrer la vie et la beauté du monde.

 

 

(1) Albin Michel, 233 p., 18 €
(2) Buchet-Chastel, 215 p., 18 €
(3) Calmann-Lévy, 336 p., 20,90 €
(4) Buchet-Chastel, 143 p., 15 €
(5) Chêne, 171 p., 14,95 €
(6) Philippe Picquier, 110 p., 12,50 €
(7) Philippe Picquier, 238 p., 19 €
(8) Albin Michel, 217 p., 20 €

Martine Freneuil

Source : Le Quotidien du médecin: 9657