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Publié le 25/03/2019
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Idées-Contre la peur

Idées-Contre la peur

Le philosophe s'interroge par exemple sur la notion de nature humaine, tantôt tenue pour évidente, tantôt fortement rejetée. La mode a voulu décréter que la nature humaine n'existait pas, pour dire que l'homme à la naissance n'était qu'une page blanche et que tout venait du vécu de nos situations – l'existentialisme était passé par là. Une autre mode a récemment nettoyé cela, en se demandant si l'homme avait plutôt une bonne ou une mauvaise nature. De fait, le propre de la nature, c'est… qu'elle est, tout simplement. C'est très net dans le cas des animaux, un peu moins chez l'homme, qui semble jouir d'une liberté.

« Toutes les civilisations se valent-elles ? » Pour répondre qu'elles se valent ou ne se valent pas, il faudrait, remarque André Comte-Sponville, qu'on puisse les mesurer, partant qu'on ait des critères, des normes de référence. On peut dire que « tout se vaut » et tomber du relativisme dans le nihilisme, mais s'il faut être clair, mettons-nous à découvert en affirmant qu'une civilisation démocratique sera toujours préférable à une fascisante.

Il faudrait pouvoir tout citer. Retenons un très humoristique article sur « les Miracles » publié dans « le Monde des religions » (septembre 2013). Qu'il y ait parfois des « guérisons inexplicables » est affaire de foi, non de médecine. Et pour affirmer que le miracle est « une exception aux lois de la Nature », il faudrait connaître totalement ces lois, ce qui n'est justement pas le cas. On ne s'étonnera pas qu'un athée préfère laisser le mystère « en l'état ». Un texte très inspiré d'Anatole France.

Sommeil agité

Le titre du livre évoquant la peur, on devine qu'une jonction doit se faire avec le portrait d'un pays plutôt trouillard. C'est bien ce qui se produit avec le « propos » « Pauvre France ! » Ce peuple, dit André Comte-Sponville, est comme un dormeur agité, il vient de se retourner dans son lit mais souhaiterait replonger dans ses rêves confortables et funestes. Rêve de droite : il suffit de diminuer le nombre de fonctionnaires pour sortir notre pays de la crise. Rêve de gauche : il suffit de faire payer les riches pour revenir à la croissance.

Comme il est difficile de ne croire vraiment en rien, l'auteur confesse que, bien que n'étant pas bouddhiste, il voit dans le Bouddha un sage sur le modèle de Socrate ou Jésus. Et il nous déçoit un peu en avouant son goût pour la méditation. Qu'il distingue de la prière : « La prière, sauf exception, se fait avec des mots, la méditation essaie plutôt de s'en débarrasser, elle est silencieuse et sans objet », c'est une « douche de silence ».

On le voit, on n'échappe jamais totalement à la transcendance.

André Comte-Sponville, « Contre la peur - et cent autres propos », Albin Michel, 432 p., 22 €

André Masse-Stamberger

Source : Le Quotidien du médecin: 9735