CLASSIQUE - Festival de l’Opéra de Lyon

« Claude », une réussite

Publié le 22/04/2013
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Crédit photo : STOFLETH

MÉDIATISÉ comme l’événement lyrique de la saison, « Claude » n’aura pas déçu. Serge Dorny, directeur général de l’Opéra de Lyon, a eu le nez creux en réunissant, pour la création centrale d’un festival sur justice et injustice, le compositeur et organiste Thierry Escaich, né en 1965, et l’ancien Garde des sceaux Robert Badinter, dont le nom restera à jamais associé à l’abolition de la peine de mort en France, en 1981. Leur réalisation a le mérite de la clarté. Dans la lisibilité de l’action, inspirée d’un fait-divers et du court roman « Claude Gueux » de Victor Hugo, avec des personnages bien typés et crédibles. Et dans l’organisation temporo-spatiale : ni trop long, ni trop court, « Claude » empreinte son efficacité quasi cinématographique à « Wozzeck », de Berg. Escaich a réussi une orchestration qui sait créer climats et suspense sans jamais noyer l’auditeur sous un flot sonore inutile. Seule réserve, son traitement de la ligne vocale, tourne vite au procédé et lasse.

Autre réussite, le choix des interprètes, dominés par le baryton français Jean-Sébastien Bou, qui, dans le rôle-titre, crève l’écran, si l’on ose écrire, et entraîne avec lui, dans une énergie contagieuse, une excellente distribution. Le spectacle, très bien réglé par Olivier Py, est un modèle, tant dans sa conception, grâce au formidable dispositif frontal et rotatif de Pierre-André Weitz, que par une direction d’acteurs réglée au millimètre. Jérémie Rohrer a dirigé le tout avec une intensité incandescente. On souhaite longue vie à cette création à la portée de tous les publics.

Déception et révélations.

Grande ode lyrique à la liberté, « Fidelio », de Beethoven, faisait le lendemain, dans l’installation média et mise en espace du plasticien américain Gary Hill, l’effet d’une douche froide. Passé la première (mauvaise) surprise de voir l’intrigue de Florestan-Léonore mêlée à une histoire de vaisseau spatial perdu dans l’espace (fut-elle inspirée par un poème du prix Nobel suédois Harry Martisson), l’effet des projections de décors en 3D lumineux, certes très élaborées, fait long feu quand on voit les personnages de cette merveilleuse histoire ridiculement accoutrés et juchés, tels des vigiles d’aéroport, sur des perambulateurs à deux roues. Ce spectacle, coproduit avec le festival d’Édimbourg, aurait pu, à la rigueur, gagner sa crédibilité s’il avait été défendu par une bonne distribution et dirigé avec le grand souffle épique et l’expérience de l’ouvrage que requiert « Fidelio ». Mais on était trop loin du compte.

À cheval sur la thématique choisie et la psychanalyse se situe le monodrame en un acte « Erwartung », des Viennois Arnold Schoenberg et Marie Pappenheim (1924). Le soprano polonais Magdalena Anna Hofmann se distinguait dans le rôle d’une femme errant dans une forêt à la recherche de son amant, prisonnière de sa douleur et de son passé. Autre révélation de ce programme double, le baryton estonien Lauri Vasar, bouleversant dans « le Prisonnier », de Luigi Dallapiccola d’après Villiers de L’Isle-Adam (1949). Àlex Ollé avait réglé une mise en scène passionnante pour ces deux courts chefs-d’œuvre du XXsiècle, parfaitement assemblés en une soirée, et Kazushi Ono s’y montrait le chef inspiré qu’il peut être à la tête de l’Orchestre et du Chœur de l’Opéra de Lyon galvanisés.

Prochain spectacle de l’Opéra de Lyon (tél. 04.69.85.54.54 et www.opera-lyon.com) : « Capriccio » de R. Strauss, du 7 au 19 mai. Le festival 2014, du 10 au 29 avril, sera consacré à Britten (« Peter Grimes », « le Tour d’écrou » et « Curlew River »).

OLIVIER BRUNEL

Source : Le Quotidien du Médecin: 9236