La collection Chtchoukine, Picasso-Giacometti, Ben

Collectionneur et artistes à l'avant-garde

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Publié le 27/10/2016
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Art-Giacometti

Art-Giacometti
Crédit photo : CENTRE POMPIDOU/CENTRE DE CRÉATION INDUSTRIELLE

Art-Picasso

Art-Picasso
Crédit photo : MUSÉE NATIONAL PICASSO-PARIS

Art-Matisse

Art-Matisse
Crédit photo : SUCCESSION MATISSE/MUSÉE DE L'ERMITAGE

Monet, Cézanne, Gauguin, Matisse et Picasso, mais aussi Rousseau, Derain, Degas, Renoir, Toulouse-Lautrec, Van Gogh. Au total, 127 chefs-d’œuvre de l’avant-garde de l’art moderne, collectionnés par l’industriel moscovite Sergueï Chtchoukine, sont exposés pour la première fois à la Fondation Louis Vuitton (1).

Visionnaire et passeur, c’est auprès des marchands parisiens que Chtchoukine effectue dès 1898 ses premiers achats. Il installe sa collection chez lui, au Palais Troubetskoi, et l’ouvre au public en 1909, permettant ainsi à tous ceux qui vont constituer l’avant-garde russe de découvrir les plus grands artistes impressionnistes, postimpressionnistes, symbolistes, nabis, fauves et cubistes, ce qui aura une influence déterminante sur leur création. 31 œuvres de Malévitch, Rodtchenko, Larionov, Tatline, Gontcharova dans l’exposition en témoignent.

Fermée en 1914, alors qu’il en publie le catalogue en français, nationalisée par Lénine en 1918, la collection Chtchoukine est, avec celle de son contemporain Morosov, exposée dans le premier musée d’art moderne en Russie. En 1948, considérés comme relevant de « l'art bourgeois », les deux ensembles sont interdits d’exposition par Staline et les œuvres sont réparties entre le musée Pouchkine à Moscou et le musée de l’Ermitage à Saint-Pétersbourg. Ce n’est qu’après la mort de Staline qu’elles seront à nouveau visibles dans les années 1950.

Lié à Matisse, Chtcoukine lui commande « la Danse » et « la Musique », deux grands panneaux décoratifs. Comme le rappelle la commissaire de l’exposition, Anne Baldassari, il disait : « J’espère un jour les aimer ». Et il savait que Picasso, avec ses premiers tableaux cubistes, avait raison contre lui.

Les deux amis

Picasso (1881-1973) et Giacometti (1901-1966)  avaient vingt ans d'écart et, a priori, tout pourrait les opposer. Sauf qu'ils étaient amis. Ils se sont beaucoup vus au début des années 1930 et presque tous les jours à Paris pendant l’Occupation. Grâce à une collaboration du musée Picasso (2) avec la Fondation Giacometti, on découvre, à travers 200 œuvres et documents, les relations amicales, thématiques et formelles entre le peintre-sculpteur et le sculpteur-peintre.

Les deux artistes, formés par leur père, font leurs premières études sur leur famille. Lorsque le Suisse Giacometti arrive à Paris, il s’inspire, comme son aîné espagnol en son temps, des arts anciens, d’Afrique et d’Océanie. Il adopte les facettes cubistes et la stylisation des traits, mais, au contraire de Picasso, sans franchir le cap de l’abstraction, s’arrêtant aux « figures plates ». Dans leur période surréaliste, le corps démembré de « la Femme égorgée » (1933) de Giacometti répond à la violence des « Figures au bord de la mer » (1931) de Picasso, qui avait été intéressé par « la Boule suspendue » (1931) de son ami. Retour au réalisme après la deuxième guerre mondiale, avec des sujets de la vie quotidienne et des paysages.

Si le premier a beaucoup copié le second dans ses carnets, ils ont des thèmes de prédilection communs, objectivation de la mort et memento mori, représentation inlassable de leurs compagnes, Dora Maar et Annette, et, de manière plus générale, attention à l’espace, comme on le voit dans la confrontation entre les sculptures monumentales de pêcheurs de Picasso et celles de la forêt de Giacometti, où les arbres deviennent des figures animées dans un volume objectivement réduit.

Autre plaisir de la visite, le dialogue des deux frères réunis, Alberto et Diego. Ce dernier créa le mobilier et les luminaires du nouveau musée lors de la rénovation de l’hôtel Salé, dans les années 1980.

Avec humour

Le musée Maillol (3) rouvre ses portes après travaux avec une exposition consacrée à Ben (Vautier), qui dépasse les règles de l’art en affirmant que tout est art : une rétrospective de 50 ans de carrière en 200 œuvres. Ses créations, écritures et accumulations questionnent la vérité dans l’art, le rôle de l’artiste dans la société et le rapport entre l’art et la vie. Elles concrétisent son rôle actif en France dans le mouvement Fluxus des années 1960, remise en question avec humour des arts visuels, de la musique et de la littérature.

Avec un parcours beaucoup plus fluide, le dernier étage du musée est consacré à Maillol, à ses peintures d’avant la période Nabi, aux tapisseries, qui étaient sa passion et pour lesquelles il avait créé un atelier, à ses dessins et sculptures. Deux salles sont dévolues à Dina Vierny, sa muse pendant dix ans, qu’il rencontre en 1934, elle n’a alors que 15 ans, et pour laquelle il retourne à ses crayons et pinceaux. C'est elle qui ouvrira son musée en 1995.

 

(1) De 11 à 20 heures, sauf le mardi, vendredi jusqu’à 23 heures, samedi et dimanche à partir de 10 heures (vacances scolaires, tous les jours de 10 à 20 heures, vendredi jusqu'à 23 heures). Jusqu’au 20 février. Tél. 01.40.69.96.00, www.fondationlouisvuitton.fr
(2) Tous les jours sauf lundi de 10 h 30 à 18 heures (à partir de 9 h 30, samedi, dimanche, jours fériés et vacances scolaires). Jusqu'au 5 février. Tél. 01.85.56.00.36, www.museepicassoparis.fr
(3) Tous les jours de 10 h 30 à 18 h 30 (21 h 30 vendredi). Jusqu’au 15 janvier. Tél. 01.42.22.57.25, www.museemaillol.com

Caroline Chaine

Source : Le Quotidien du médecin: 9529