L’échange d’enfant dans une maternité n’est pas un thème nouveau. L’Australienne Susie Fox le réinvente dans « l’Erreur » (1). Après huit ans d’infertilité et plusieurs fausses couches qui ont fragilisé son couple, Sasha est enceinte. Obligée de subir une césarienne d’urgence, elle affirme à son réveil que l’enfant qu’on lui amène n’est pas le sien. Son mari, ses proches et les infirmières refusent de la croire. L’intérêt de ce thriller psychologique, qui se déroule sur sept jours, repose sur sa construction, qui mêle événements présents et flashbacks, ainsi que sur la crédibilité des scènes médicales : l’auteure, qui signe là son premier roman, exerce comme médecin généraliste.
Histoires politiques
Auteur prolixe spécialisé dans le thriller historique, l’Américain Greg Iles publie le deuxième roman (après « Brasier noir ») d’une trilogie sur la ville de Natchez, où il a grandi. Conteur impénitent, il déroule une nouvelle fois, dans « l’Arbre aux morts » (2), en près d’un millier de pages, cette histoire du Mississippi, d’un homme de justice et de ses proches aux prises avec la face cachée de l’Amérique. Ici, l’ancien procureur et maire de Natchez découvre que le responsable du groupe terroriste qu’il combat, une branche radicale du Ku Klux Klan, est le chef de la police d'État de Louisiane. Tandis que sa fiancée lève le voile sur des meurtres non résolus datant de l’époque du combat pour les droits civiques, qui pourraient avoir un lien avec l’assassinat de John F. Kennedy. Un thriller tentaculaire et addictif.
À mi-chemin également entre roman noir et roman historique, « le Magicien » (3) est le deuxième livre (après le remarqué « 188 mètres sous Berlin ») de Magdalena Parys, qui est née à Gdansk en 1971 et vit en Allemagne. Traduit du polonais, il s’appuie sur deux « faits-divers » qui se déroulent en 2011 : la découverte du cadavre atrocement mutilé d’un employé aux archives de la Stasi et la mort dans d’étranges circonstances d’un journaliste qui enquêtait sur la disparition d’un activiste est-allemand en 1980, à la frontière entre la Bulgarie et la Grèce. Bien qu'écarté au profit des services secrets, un commissaire rebelle suit une piste qui pourrait mettre en cause un homme politique allemand très en vue.
Nouveau venu dans la littérature noire, Thomas Cantaloube est grand reporter au pôle international de Mediapart. « Requiem pour une République » (4) s’attache à l’enquête qui a suivi l’assassinat d’un avocat algérien lié au FLN et de sa famille à l’automne 1959. Alors que de Gaulle penche pour l’indépendance de l’Algérie, des politiciens qui l’entourent sont prêts à tout pour conserver ce territoire ; et tandis qu’on recrute des immigrés pour travailler dans les usines, une majeure partie de la population les rejette. Dans ce contexte, trois individus aux convictions et aux intérêts radicalement opposés se lancent sur les traces des coupables : un jeune flic naïf mais têtu, un ancien résistant corse proche du Milieu et un ex-collabo devenu exécuteur des basses œuvres du préfet Papon. L’auteur précise que si les faits racontés sont fictifs, ils s’appuient sur des événements et des personnages réels.
Avec Jorge Fernandez Diaz, membre de l’académie des lettres argentine et lauréat de nombreux prix, on se transporte à Buenos Aires dans les pas d’un certain Rémil, au service d’une agence officieuse des renseignements argentins ; il doit assurer la protection d’une jeune avocate espagnole chargée d’exporter des vins pour l’Europe – en réalité de créer un réseau de drogue entre l’Amérique latine et l’Europe. « Le Gardien de la Joconde » (5) est une plongée glaçante dans la mise en place du narcotrafic, qui mêle grands criminels, hauts fonctionnaires et flics de tous ordres. Elle nous trimballe des sphères feutrées des nantis à l’inframonde des bidonvilles. Avec comme guide un mercenaire vétéran de la guerre des Malouines tiraillé entre devoir et désir. Un livre fondé sur des faits véridiques, à la fois thriller d’espionnage et réquisitoire contre la doctrine péroniste.
Chemins de traverse
Avec Niko Tackian, scénariste et réalisateur, créateur des enquêtes de Tomar Khan, le thriller se fait fantastique. En 1980, Joshua, qui est agent de sécurité à l’« Avalanche Hôtel » (6), enquête sur la disparition d’une cliente ; en suivant une piste en pleine tempête de neige, il est pris dans une avalanche et reprend connaissance dans une chambre d’hôpital après deux jours de coma… en 2018. Joshua est flic et l’hôtel n’est plus qu’un bâtiment vide. Le lecteur, comme le héros, se demande s’il ne rêve pas tant l’intrigue est insensée, s’élance et s’arrête net pour prendre des chemins de traverse et nous entraîner ailleurs, mais sans jamais nous égarer.
Auteure de huit romans à succès, Megan Abbot donne avec « Prends ma main » (7), considéré par la presse américaine comme l’un des meilleurs livres de l’année, un thriller psychologique. Alors qu’elle est en passe d’obtenir le poste de ses rêves dans un laboratoire, Kit, chercheuse en physique, voit ressurgir Diane, une amie de lycée qu’elle n’avait pas vu depuis dix ans, devenue également chercheuse et avec laquelle elle partage un lourd secret. Complices ou rivales ? Dans quelle mesure le secret qui leur pèse va-t-il modifier leurs destinées ?
Philippe Rouquier surprend. Après avoir obtenu le prix du Premier Roman du Festival du polar de Beaune 2017 pour « Tant pis pour le Sud », il donne un thriller original, « Rires de poupées chiffon » (8), dont les personnages principaux sont un couple d'artistes peintres et plasticiens. Ils se sont réfugiés dans une grande bâtisse isolée du Vercors pour mieux créer et préparent l’ultime performance qui doit sceller leur séparation. Mais alors qu’ils mettent la dernière touche à leur œuvre macabre, un retraité reconverti en entomologiste s’immisce dans leur intimité. Tout peut basculer, d’autant plus que la femme semble avoir disparu. Meurtre ou jeu artistique ? À découvrir absolument.
(1) Fleuve, 359 p., 19,90 € (2) Actes Sud, 970 p., 27 € (3) Agullo, 512 p., 23 € (4) Gallimard, 540 p., 21 € (5) Actes Sud, 442 p., 23 € (6) Calmann-Lévy, 262 p., 18,50 € (7) Masque, 345 p., 21,50 € (8) Carnets Nord, 354p., 19,50 €
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