Grand Prix Paul Morand de l'Académie française en 1998 pour l'ensemble de son œuvre, qui comptait alors une quinzaine d'ouvrages, Daniel Rondeau en a publié autant depuis, qui le classent dans la catégorie des écrivains engagés. Journaliste, éditeur (il a fondé les éditions du Quai Voltaire, consacrées à la littérature et aux voyages), diplomate (il a été ambassadeur à Malte et il est délégué permanent de la France auprès de l'Unesco), il publie un petit livre surprenant, « Boxing-Club » (1), du nom de l'association d’Épernay, où il s'entraîne depuis dix ans.
L'homme de lettres a enfilé les gants de boxe sur le tard et a découvert non seulement un sport qui met l'ensemble du corps à l'épreuve mais des personnes aux qualités extraordinaires, des ouvriers qui n'ont pas grand-chose, si ce n'est « le courage, l'endurance, l'humilité et la politesse ». Une leçon de vie et bien sûr de littérature.
À 51 ans, Colum McCann, d'origine irlandaise et installé à New York, est un romancier et un nouvelliste internationalement reconnu, notamment depuis « Et que le vaste monde poursuive sa course folle », National Book Award et Meilleur Livre de l'année en 2009. « Treize façons de voir » (2) réunit un court roman et quatre nouvelles, cinq récits de fiction qui dénoncent les multiples visages de la violence et qui sont d'autant plus percutants qu'ils rejoignent la réalité : l'auteur a lui-même été attaqué et assommé alors qu'il portait secours à une femme qui venait d'être agressée. Cela s'est passé dans le Connecticut. Dans les textes, il n'est pas seulement question des États-Unis, mais aussi de la Russie, de l'Afghanistan et de la Colombie. Où sévit la même violence sociale ou intime, armée ou psychologique.
De Toulouse à Kaboul
L'Afghanistan est au cœur du roman « le Bout du monde » (3), qui est aussi le nom du restaurant que le narrateur, Pascal, a ouvert à Kaboul après avoir bourlingué en Asie avec son ami d'enfance Corto. L'auteur, Marc Victor, est un ancien reporter, qui s'est distingué en 1990 avec une enquête sur les traces de Pol Pot en Thaïlande, qui a créé et tenu pendant quatre ans un resto de luxe pour expats à Kaboul. Une expérience qui l'a inspiré pour la goûteuse série « Kaboul Kitchen » (Canal+), dont il est l'un des coauteurs. Dans le roman, le temps a passé et Pascal se sent usé, désabusé. La disparition de Corto le conduit à se replonger dans ses souvenirs et à refaire le long chemin d'une amitié qui les a menés de leur lycée toulousain à ce coin perdu. Pourquoi sont-ils partis et qu'ont-ils trouvé ici ?
Présenté par son auteure Emmanuelle Terff (« LOL@ », en 2006) comme un « conte Facebook », « la Plage des Baleines » (4) a pour thème l'improbable parcours d'Alice pour disperser les cendres de son amie Garance dans quatre lieux, ainsi qu'elle lui avait demandé : sur la plage des Baleines aux États-Unis, près d'Olympie en Grèce, à Paris et dans le parc d'une ville de province. Chaque lieu et les personnes qu'elle croise sont pour Alice l'occasion de reconstituer les pans d'une vie dont elle ne savait rien, puisque, de Garance elle ne connaissait que le pseudo Gaïa. Un parcours initiatique original, à la rencontre d'une jeune femme à l'existence en grande partie virtuelle.
De la Toile au cheval de Troie il n'y a qu'un pas et la « réécriture », par l'Italien Sergio Claudio Perroni, de cet épisode du conflit légendaire où Ulysse, qui n'est pas encore le héros de l'Odyssée, Epéios, qui a construit le cheval sur les ordres de la déesse Athéna, et Néoptolème, le jeune fils du défunt Achille, sont enfermés avec des soldats « Dans le ventre » (5) de la gigantesque charpente, présentée comme une offrande afin d'investir la cité. Quand une histoire rabâchée venue du fond des âges devient un roman à suspense actuel et quand des héros de la mythologie nous interpellent sur des questions existentielles éternelles.
Les forçats de Fukushima
Le lieu dont il est question dans « la Désolation » (6) inspire la peur et l'horreur : il s'agit de Fukushima-Daiichi, la centrale nucléaire qui, en mars 2011, a été endommagée par un tsunami. Arnaud Vaulerin, correspondant au Japon du journal « Libération », a suivi pendant plus de deux ans, à partir de l'été 2013, les efforts des nettoyeurs et décontamineurs. En fait, des dizaines de milliers de pauvres hères, souvent sans compétences, soumis à des conditions de travail insoutenables et exposés à des niveaux de radiation bien supérieurs au seuil maximal. Une armée de sacrifiés qui acceptent leur sort en silence, par patriotisme et par nécessité financière. Le démantèlement de Fuushima-Daiichi devrait s'étaler au moins jusqu'en 2040 mais, en 2020, Tokyo accueillera les Jeux olympiques d'été avec magnificence.
Retour à la fantaisie et à Genève avec « Aujourd'hui dans le désordre » (7), le premier roman de Guillaume Rihs (32 ans, il enseigne l'histoire et l'anglais au lycée), qui illustre avec humour une réflexion sur la décroissance. La neige tombe sur la ville et le grand appartement familial où Louise et ses frères accueillent, pour quelques jours, des voyageurs recrutés sur Internet. Les nationalités, les langues, les cultures, les âges cohabitent, alors que la tempête fait rage. Coincée à l'intérieur, sans électricité ni chauffage et peu d'approvisionnements, la petite communauté expérimente à son corps défendant la fameuse théorie de la décroissance, selon laquelle, pour éviter la crise ultime, il convient de diminuer la production et donc de réduire sa consommation et d'être plus solidaire. Une utopie ? À découvrir dans le livre !
(1) Grasset, 135 p., 14 €.
(2) Belfond, 306 p., 20,50 €.
(3) JC Lattès, 405 p., 19 €.
(4) Robert Laffont, 249 p., 19 €.
(5) De Fallois, 121 p., 18 €.
(6) Grasset, 213 p., 20 €.
(7) Kero, 232 p., 15,90 €.
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