Ancienne danseuse et chorégraphe qui s'exprime maintenant dans l'écriture, Claude Pujade-Renaud a reçu le grand prix de la Société des gens de lettres en 2004 et le prix du Roman historique pour « Dans l'ombre de la lumière » en 2013. Elle nous amène cette fois avec élégance dans l'intimité de Soren Kierkegaard, dont l’œuvre est considérée comme le ferment de l'existentialisme.
Dans « Tout dort paisiblement sauf l'amour » (1), la vie et la pensée du philosophe sont étroitement tissées à travers la quête de Régine Olsen : lorsque Kierkegaard meurt à 42 ans, pauvre et seul, elle tente de comprendre pourquoi il a jadis brusquement rompu leurs fiançailles, pour faire finalement d'elle sa légataire universelle. Quinze ans ont passé, elle est heureuse dans les Antilles danoises, dont son époux est le gouverneur, mais elle n'aura de cesse, même après son retour au Danemark, d'élucider la difficulté à vivre dont souffrait le penseur et de savoir de quelle malédiction familiale il a cherché à expier ainsi. Un roman à plusieurs voix, nourri notamment des journaux et de la correspondance de Kierkegaard.
Le titre du livre de Catherine Millot, écrivaine et psychanalyste, est important : « la Vie avec Lacan » (2) n'est pas un livre de confession, où celle qui fut l'élève puis la compagne du psychanalyste dévoile quelques détails croustillants de leur relation. Mais un livre de souvenirs écrit à l'automne de sa vie, où lui viennent en mémoire des moments passés non pas dans l'ombre mais dans le sillage de cet homme qu'elle aurait « suivi n'importe où ». Elle offre ainsi des instantanés des tout-et-rien du quotidien de quelque six années d'intimité partagée et en brosse un portrait non pas statufié mais terriblement humain et même émouvant. Deux ans avant que Jacques Lacan ne meure, et après que son analyse avec lui a mis en lumière son désir d'enfant, Catherine Millot a pris la décision de se séparer de lui. « Ce fut un déchirement pour moi, un séisme pour lui. »
Mitterrand, scandales et humour
François Mitterrand par deux fois. Façon Patrick Rotman, écrivain-enquêteur et réalisateur sur des sujets de société et de politique et qui, dans « Un homme à histoires » (3), revient sur les « débuts » du futur président de la République au milieu des années 1950… et les scandales qui ont entaché cette période : des fuites sur la guerre d'Indochine en 1954 à l'affaire de l'Observatoire en 1959, sans oublier les scandales parisiens, d'un conseil des ministres à un déjeuner chez Lipp par exemple. Le tout raconté vingt ans après par un soi-disant journaliste à « l'Express », qui affirme que « ce roman vrai est un vrai roman ».
Mitterrand façon Hervé Le Tellier, membre de l'Oulipo et Papou bien connu, qui, dans « Moi et François Mitterrand » (4), révèle la correspondance qu'il a entretenue avec le président depuis 1983. Un échange si riche, explique-t-il, qu'il a continué d'écrire même après la disparition de ce dernier et avec ses successeurs, de Jacques Chirac à François Hollande, puisqu'à chaque missive qu'il envoyait, il recevait une réponse ! Les présidents et lui sont ainsi devenus des amis intimes, auxquels on confie ses petites misères et ses grands espoirs. Vérité ou mensonge ? En tout cas un concentré d'humour qui vaut le détour.
Cinéma, littérature…
Il est des actrices dont le nom est lié à une même personne ; ainsi de Jeanne Moreau, de Françoise Dorléac, de Claude Jade, de Catherine Deneuve ou de Fanny Ardant, parmi d'autres, et de François Truffaut. Des actrices, ou des femmes ? François Truffaut, le réalisateur ou l'homme ? C'est ce qu'Élizabeth Gouslan tente de définir dans « Truffaut et les femmes » (5), en montrant comment le cinéaste à double visage a modelé la femme à l'image de ses fantasmes et ne s'est jamais privé de confondre sa vie et ses films.
Le cinéma et la littérature sont également à l'honneur dans deux titres d'une nouvelle collection de livres courts intitulée « Incipit », où des auteurs racontent chacun une « première fois » sans rapport direct avec eux et où le réel se mêle à la fiction. C'est ainsi que Gonzague Saint Bris revient, dans « Un ruban de rêve » (6), sur les débuts difficiles du festival de Cannes – la première édition, prévue en 1939, fut annulée et sa réédition, en 1946, plutôt laborieuse. Quant à François Bégaudeau, il raconte, dans « l'Ancien régime » (7), l'élection de Marguerite Yourcenar à l'Académie française en 1980, après que pendant 345 années divers motifs politiques, moraux, religieux et sociétaux ont été invoqués pour interdire l'accès aux femmes à l'Académie.
Auteure, musicienne, chanteuse, peintre, photographe, Patti Smith publie, après « Just Kids », récompensé en 2010 par un National Book Award et devenu culte, un nouvel opus autobiographique, « M Train » (8). L'icône féminine du rock des années 1970 y raconte, en dix-huit « stations », ses voyages dans différents lieux phares liés à son univers artistique. Des voyages entre le passé et le présent, entre les rêves et la réalité, entre ses aspirations et ses inspirations, entre les références de l'artiste et les événements de sa vie, dont la mort de son mari et guitariste Fred Sonic Smith. Un livre inclassable et prenant, illustré par les photographies en noir et blanc que la chanteuse prend depuis toujours.
(1) Actes Sud, 301 p., 22 €.
(2) Gallimard, 105 p., 13,50 €.
(3) Seuil, 550 p., 21 €.
(4) JCLattès, 90 p., 10 €.
(5) Grasset, 251 p., 19 €.
(6) Steinkis Groupe/Prisma, 98 p., 12 €.
(7) Steinkis Groupe/Prisma, 103 p., 12 €.
(8) Gallimard, 258 p., 19,50 €.
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