Trois expositions à Paris

Des regards sur l'art et l'histoire

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Publié le 18/03/2022
Trois expositions bien différentes : des pionnières dans les Années folles, des diplomates face à la Shoah, et une réflexion sur le regard.
Suzanne Valadon, « Femme aux bas blancs »

Suzanne Valadon, « Femme aux bas blancs »
Crédit photo : MUSÉE DES BEAUX-ARTS, NANCY/ G. MANGIN

* Au Musée du Luxembourg, « Pionnières. Artistes dans le Paris des Années folles ». Entre les deux guerres, des artistes femmes venues à Paris du monde entier vivent dans une très grande liberté leur art et leur quotidien. Elles participent aux avant-gardes, ouvrent des écoles d’art, ont leur atelier (Marie Laurencin) et en dirigent d’autres. Elles créent des décors intérieurs, des costumes, inventent de nouveaux modes de représentation (la « poupée-portrait » de Marie Vassiliev) et installent l’art dans la mode (Sonia Delaunay). Elles abolissent les frontières des représentations, adoptent les sports et les costumes masculins, se représentent sensuelles (Tamara de Lempicka) ou nues dans des poses excentriques, et aussi dans l’intimité et la maternité (Suzanne Valadon, Mela Muter et Maria Blanchard). Elles revendiquent leur sexualité (Claude Cahun) et la possibilité de ne pas être assignée à un genre (Gerda Wegener, Romaine Brooks), l’expression « deux amies » témoignant d’une amitié érotique. Elles sont aventurières et repartent lancer les avant-gardes dans leur pays comme la Brésilienne Tarsila Do Amaral et l’indienne Amrita Sher Gil. Parmi les 45 artistes exposées, nombreuses sont des figures un peu oubliées que l’on retrouve aussi dans la sculpture (Chana Orlof), le cinéma (Germaine Dulac), la littérature, la musique. Des Années folles suivies par une mise au pas avec l’avènement des totalitarismes et la deuxième guerre mondiale. (Jusqu’au10 juillet, museeduluxembourg.fr)

* Au Mémorial de la Shoah, « Les diplomates face à la Shoah ». Que savaient les diplomates des persécutions des juifs par le régime nazi ? Certains ont lancé des alertes, comme André François-Poncet, ambassadeur de France à Berlin dès 1931. D’autres ont permis leur survie. Le consul portugais à Bordeaux Sousa Mendes, le consul général de Chine à Vienne Ho Feng Shan, le vice-consul américain à Marseille Hiram Bingham, le consul japonais en Lituanie Sugihara, le Danois Georg Ferdinand Duckwitz, l’ambassadeur de France à Bucarest Jacques Truelle, le Roumain Vespasian Pella, sans oublier le Suédois Raoul Wallenberg et le Suisse Carl Lutz. Le photographe Adolfo Kaminsky fabrique en France de faux papiers, 30 en une heure. Le Waffen SS Kurt Gerstein témoigne du génocide auprès de diplomates suédois, sans succès. Ils sont inscrits dans l’histoire, alors que les diplomates en charge des questions migratoires ont pour « la plupart d’entre eux obéi aux ordres, tentant de naviguer dans la tourmente de la Seconde Guerre mondiale ». (Jusqu'au 8 mai, memorialdelashoah.org)

* À la Maison de Victor Hugo, « Regards ». 80 œuvres interrogent le regard dans une exposition inhabituelle, fruit d’un partenariat avec Paris Musées, le Groupe hospitalier universitaire Paris Psychiatrie et Neurosciences créé autour de l’hôpital Sainte-Anne et l’association GEM Le Passage, dont le but est de déstigmatiser les troubles psychiques. Le regard miroir des émotions et d’une vie dans les eaux-fortes autoportraits de Rembrandt. La manière de regarder questionnée avec la « Baigneuse surprise » du sculpteur Dalou ou « la Gitane » de Raymond Hains. Les affiches lacérées devenues œuvre d’art alors que personne ne les regardait dans la rue. Les dessins de Victor Hugo et d’Odilon Redon évoquant des univers imaginaires et les photos de Klavdij Sluban dans la maison de Guernesey attestant d’une présence. Depuis la mythologie grecque (Diane, Narcisse…), le regard est multiple. On regarde, observe, contemple, rêve, admire, communique… et envoie désormais des selfies. (Jusqu'au 5 juin, maisonsvictorhugo.paris.fr)

 

Caroline Chaine

Source : Le Quotidien du médecin