Danse à Chaillot

Deux chorégraphes inspirés

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Publié le 18/02/2019
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Danse-Gravité

Danse-Gravité
Crédit photo : JEAN-CLAUDE CARBONNE

Le chorégraphe franco-belge Damien Jalet a créé « Skid » (dérapage), étonnant spectacle de 45 minutes, pour la compagnie suédoise GöteborgsOperans Danskompani. Il s’est inspiré du rituel japonais Onbashira, lors duquel des hommes chevauchent d’énormes troncs d’arbres pour les faire glisser sur le flanc de la montagne.

D’où la superbe pente blanche de 10m2 inclinée à 34° qui sert de décor, magnifique travail des plasticiens new-yorkais Jim Hodges et Carlos Marques da Cruz, sur laquelle évoluent dangereusement les 17 danseurs de cette magnifique compagnie suédoise, que l'on découvre ainsi dans les conditions les plus périlleuses. Les spectateurs pouvaient eux-mêmes en faire l'expérience avec les petits tremplins à la même inclinaison disposés en différents lieux de l’immense Palais de Chaillot.

Le spectacle (on n’ose pas parler de chorégraphie, quoique la performance physique des danseurs en tienne lieu) montre trois exploitations de la pente. Dans un premier temps ils la descendent à leurs risques et périls, l’apprivoisent peu à peu, réussissent à le faire en de très beaux mouvements individuels et de groupe. Les éclairages de Joakim Brink permettant de stupéfiants jeux d’ombres. Puis ce sont des remonteurs qui se mesurent à la pente. Là encore, on peine, mais on parvient à créer de remarquables mouvements. La pièce s’achève par l’emprisonnement d’un danseur dans une toile, dont il arrive à force de contorsions inhumaines à se libérer.

Dommage que la musique électronique de Christian Fennesz soit inutilement anxiogène, le spectacle gagnerait au silence.

Une fascinante expérience de plus à ajouter à la panoplie de Damien Jalet, formé à l’école des grands chorégraphes flamands Platel et Vandekeybus, décidément le plus original des chorégraphes.

Légère gravité

Sur la grande scène, cette fois dénudée, de Chaillot, lui succède une semaine plus tard « Gravité », pièce en noir et blanc pour 13 danseurs créée en septembre 2018 lors de la Biennale de la Danse à Lyon. Angelin Preljocaj y joue avec le concept et surtout la réalité de la gravité, qui est le pain quotidien des danseurs.

Abstraite, la pièce n’est pas théorique, loin de là, car le chorégraphe revient à une expression beaucoup plus dansée que théâtrale, créant de magnifiques images, avec comme toujours un substrat musical varié et de grande qualité, de Daft Punk et Xenakis à Bach, Chostakovitch et Ravel.

Ce dernier constitue la vraie surprise du spectacle car, sans crier gare, Preljocaj introduit dans sa pièce d’1h20 une très originale interprétation du « Boléro », l'œuvre la plus éminemment chorégraphique du XXe siècle, défi auquel quasiment tous les chorégraphes rêvent de se mesurer. Son « Boléro » est une ronde passant comme un songe, avec de sublimes mouvements circulaires fluides et les pas d’une grande élégance qui sont la signature du chorégraphe.

Pourquoi ne pas avoir laissé les spectateurs sur ces images, plutôt que d’achever la pièce avec un solo sur la gravité, seule partie théorique de la soirée, qui n'a pas la grâce des solos auxquels Preljocaj nous a habitués et qui aurait facilement pu prendre place dans le corps du spectacle ?

Théâtre national de la Danse Chaillot, tél. 01.53.65.30.00, www.theatre-chaillot.fr

Olivier Brunel

Source : Le Quotidien du médecin: 9725