« Il Primo Omicidio » à l'Opéra de Paris

À distance du drame

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Publié le 28/01/2019
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Classique-Scarlatti

Classique-Scarlatti
Crédit photo : BERND UHLIG/OPÉRA DE PARIS

Outre être le père du génial Domenico Scarlatti, qui, au XVIIIe siècle, a porté la sonate pour clavecin à son apogée, Alessando Scarlatti (1660-1725) est le compositeur d'une centaine d’opéras et de presque autant de cantates et d'oratorios.

De l'oratorio, genre dérivé du madrigal traitant de sujets sacrés, on sait seulement qu’il a probablement été composé pour le Carnaval de Venise de 1707, sur un livret d’Antonio Ottoboni portant sur le meurtre d’Abel par son frère Caïn. Ressuscitée en 1968, l’œuvre a été enregistrée trente ans plus tard par le chef flamand René Jacobs, qui a réalisé cette production scénique en coproduction avec le Staatsoper Berlin et le Teatro Massimo de Palerme. La mise en scène est de Romeo Castellucci, qui avait fait ses débuts à l’Opéra de Paris en 2015 avec un autre sujet inspiré de l’Ancien Testament, « Moses und Aron », d’Arnold Schönberg.

Le spectacle est d’un très grand dépouillement. Au fond de la scène vide, un rideau de tulle blanche abrite des effets lumineux glacés, certes virtuoses mais très en contraste avec les ors et les proportions du lieu. Les six personnages (chacun d’eux doublé dans la deuxième partie par un enfant) sont habillés de vilains costumes de ville, les femmes jouant les deux frères étant coiffées de perruques de type film de science-fiction.

On reste toujours à distance d’une action très statique et exprimée par des gestes stéréotypés pour chaque personnage. Les chanteurs ont des voix de format baroque qui ne réchauffent absolument pas le propos. Seules les voix d’Eva (Brigitte Christensen) et de la Voce di Dio (Benno Schachtner) passent vraiment bien la rampe.

La seule chaleur vient de la fosse et du B’Rock Orchestra, un excellent ensemble baroque fondé à Gand en 2005, souvent associé à des projets théâtraux audacieux. René Jacobs, qui, du temps de sa carrière de chanteur, a interprété la Voix de Dieu, sait animer et donner beaucoup d’énergie à la musique. Cette dernière est d'inégal intérêt mais comporte quelques très beaux airs, particulièrement réservés aux deux frères, chantés par les mezzo-sopranos Kristina Hammaström (Caino) et Olivia Vermeulen (Abele).

Le public de la première a réservé un accueil modérément enthousiaste à cette production, et le metteur en scène et plasticien Castellucci a recueilli quelques sifflets.

Palais Garnier, jusqu'au 23 février, www.operadeparis.fr

Olivier Brunel

Source : Le Quotidien du médecin: 9719