Laurent Seksik, qui s’était spécialisé en radiologie avant de se consacrer à la littérature, poursuit dans la veine de la biographie romancée qui lui va si bien. Après « les Derniers Jours de Stefan Zweig », « le Cas Eduard Einstein » et « l’Exercice de la médecine », il se penche, dans « Romain Gary s’en va-t’en guerre » (1), sur le mystère d’un homme né en Pologne Roman Kacew et qui reçut le prix Goncourt une première fois sous son pseudonyme courant de Romain Gary (« les Racines du ciel », en 1956) et une seconde fois sous le pseudonyme d’Émile Ajar (« la Vie devant soi », en 1975).
Son récit évoque le jour où, à l’âge de 11 ans, Roman prend conscience des mensonges de son père qu’il adorait, qui l’a abandonné ainsi que sa mère pour faire un enfant à une autre femme. Il n’aura alors de cesse de s’inventer une autre parenté – son géniteur était fourreur, son père imaginaire un illustre acteur du cinéma des années 1930 – et de lancer des fausses pistes sous le couvert de divers masques. Autour de cette quête de vérité, l’auteur laisse deviner les souffrances d’une femme rejetée et d’une mère tout entière dévouée à son fils, dans un contexte de misère et d’antisémitisme menaçant.
C’est sans fard que François Fourrier, ancien chef du service de réanimation polyvalente de Lille, parle de son métier dans « le Souffle, la conscience et la vie » (2). Sans fard et en toute humilité puisqu’il a choisi de faire partager ses interrogations à travers les histoires de quelques-uns de ses patients, représentatives de la difficulté à prendre des décisions dans le respect de l’éthique et des individus. Au-delà de ces cas, transparaît l’histoire du siècle passé et de ses conflits meurtriers, ainsi que la tragédie des mineurs du Nord.
« Un médecin face à la vie et à sa mort » : ce sous-titre donne tout son sens au livre« Quand le souffle rejoint le ciel » (3). Après avoir suivi un cursus en philosophie, en lettres et en histoire à Cambridge et à Stanford, son auteur, Paul Kalanithi, a achevé des études de médecine à Yale. Il a 36 ans et s’apprête à entamer une carrière de neurochirurgien lorsqu’il découvre qu’il souffre d’un cancer du poumon en phase terminale. Il est mort en mars 2015, avant d’achever l’écriture de ce témoignage – une réflexion sur le défi d’affronter sa propre mort ainsi que sur la relation médecin-patient – et quelques mois avant la naissance de sa fille.
Professeur au département de neurochirurgie de l’université de Stanford, James R. Doty raconte, dans « la Fabrique des miracles » (4), sa quête pour trouver le bonheur véritable. Alors qu’il grandissait entre un père alcoolique et une mère dépressive, il a rencontré à 12 ans une femme providentielle qui lui a enseigné, sous couvert de tours de magie, des techniques de méditation. Devenu médecin et s'apercevant qu’il est tombé dans les pièges du pouvoir et de l’argent, il a décidé de reprendre les bases de la méditation. Un ouvrage à la fois biographique et scientifique, qui témoigne de la faculté de chacun d’entre nous de se connecter à ses aspirations profondes mais aussi aux autres.
Parcours de guerre
« Nous, les passeurs » (5) est un livre très personnel de Marie Barraud sur son grand-père, le Dr Albert Barraud, un résistant arrêté par les Allemands en 1944 et déporté, mort en mai 1945 sur le paquebot « Cap Arcona » bombardé par l’aviation britannique. Ce roman-enquête, fruit d’un long travail d’investigation, est né du désir d’expliquer un silence familial : ni sa grand-mère lorsque l’auteure était jeune, ni son père jusqu’à ce qu’elle décide d’exhumer le passé à l’âge de 35 ans, n'ont jamais parlé de ce grand-père, dont une rue de Bordeaux porte le nom. Pourquoi ce silence ? Pourquoi cette colère ?
Avec « Madeleine Pauliac, l’insoumise » (6), c’est le portrait d’une héroïne oubliée que livre Philippe Maynial, son neveu. On découvre le parcours de cette femme qui fut médecin de la Résistance et qui, en 1945, en tant que médecin-lieutenant des Forces françaises de l’intérieur, dirigea depuis Moscou la mission française de rapatriement ; elle accomplit plus de 200 missions avec l’Escadron bleu, une unité de 11 conductrices-ambulancières volontaires de la Croix-Rouge, pour chercher, soigner et rapatrier les Français restés à l’est. Madeleine Pauliac est morte accidentellement en mission en février 1946, à 34 ans.
À la fin de la deuxième guerre mondiale, un journaliste allemand libéré de Dachau part à la recherche de son fils. Sa quête le conduit à Hadamar, dans le Land de Hesse, dont l’hôpital psychiatrique a été transformé en institut d’euthanasie par le troisième Reich ; près de 15000 handicapés et malades mentaux ont été victimes de cette politique de mise à mort systématique connue sous le nom d’Aktion T4. « Hadamar » (7), d’Oriane Jeancourt-Galignani, n’est pas un document mais une vraie fiction avec des personnages aussi romanesques que crédibles.
Sait-on jamais où commence la folie ? Telle est la question centrale du nouveau thriller de Kem Nunn, dont le titre est trompeur, « Chance » (8). Imaginez un neuropsychiatre d'une cinquantaine d'années, Eldon Chance, brillant mais dont la vie part un peu en vrille, qui tombe amoureux d’une patiente diablement séduisante et atteinte de dédoublement de la personnalité, laquelle est dotée d’un mari possessif, flic et ripou : vous avez les ingrédients d’un suspense psychologique sinueux et torturé, entre hallucinations et manipulations, dans un San Francisco aussi ambigu que les personnages.
(1) Flammarion, 230 p., 19 €
(2) Albin Michel, 268 p., 18 €
(3) JC Lattès, 245 p., 18 €
(4) Flammarion, 279 p., 19,90 €
(5) Robert Laffont, 185 p., 17 €
(6) XO Éditions, 277 p., un cahier de photos, 19,90 €
(7) Grasset, 283 p., 19 €
(8) Sonatine, 380 p., 21 €
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