CLASSIQUE - « Elektra », à l’Opéra de Paris

En noir et blanc

Publié le 04/11/2013
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Crédit photo : OPÉRA DE PARIS/CH. DUPRAT

DEPUIS les mémorables représentations d’« Elektra » au Palais Garnier, entre 1974 et 1977, dans la moins mémorable mise en scène d’Auguste Everding, qui ont vu défiler, sous la direction de Böhm, Mackerras, Stein et Janowski, des solistes aussi exceptionnels que Birgit Nilsson, Christa Ludwig, Astrid Varnay, Annie Schlemm, Leonie Rysanek, Arlene Saunders, Hans Sotin et Franz Mazura, l’opéra mythologico-psychanalytique de Richard Strauss (1909) n’a jamais quitté, avec des fortunes diverses, le répertoire de l’Opéra de Paris. Et il ne faut pas dénier à une partie du public cette mémoire. La première représentation, que vient de donner l’Opéra-Bastille, avec un triomphe mérité, restera spécialement dans cette mémoire pour la direction de Philippe Jordan, le directeur musical de l’Opéra. Pour sa première « Elektra », la clarté d’ensemble, le soin apporté aux détails, et particulièrement à la sonorité de l’orchestre, ont été exemplaires. Dirigée de sang-froid sans exclure le sens profond du drame qui se déroule sur scène, sa lecture se hisse d’emblée au niveau de celles des grands chefs, qui, de Böhm et Karajan à Ozawa et plus récemment Von Dohnanyi, ont marqué l’histoire de son interprétation.

Chorégraphique.

La mise en scène tellurique de Robert Carsen, aux formidables effets d’éclairage dignes du cinéma muet, illustre parfaitement le drame des Atrides. Sur un sol de terre fraîche, avec de hauts murs métalliques pour tout décor, sa direction d’acteurs est quasi chorégraphique (sauf pour la transe finale prémortelle d’Elektra, qui, curieusement, passe à la trappe). La multiplication des servantes, doubles d’Elektra, permet une chorégraphie géométrique, formidablement réglée par Philippe Giraudeau. Quelques mouvements de groupe évoquent le « Sacre » de Pina Bausch, d’autres le « Boléro » de Béjart. Seule touche incongrue dans le noir des décors et costumes, le choix du blanc pour Klytämnestra (amenée sur son lit tendu de soie blanche) et pour Aegisth, qui sont précisément les moins purs dans cette sordide histoire familiale.

Des interprètes, aucun n’a démérité dans l’engagement, mais tous ont été victimes de la béance de la scène vers les cintres, qui empêche les voix de se projeter vers la salle. Irène Theorin a la puissance d’Elektra, pas la fragilité qu’ont su y mettre les plus grandes interprètes du passé. Ricarda Merbeth, en revanche, a su allier l’hyperféminité de Chrysothemis à la folie qui la gagne au fur et à mesure de l’action. Waltraud Meier a la voix trop propre et pas assez de noirceur physique pour incarner la vile Klytämnestra. Le brushing et la robe de soie blanche ne l’y ont en rien aidée. Belles prestations du très puissant Orest d’Evgeny Nikitin, mais solidité n’égale pas toujours humanité, et très bonne caractérisation d’Aegisth par Kim Begley.

Opéra de Paris-Bastille (tél. 0892.89.90.90, www.operadeparis.fr). Jusqu’au 1er décembre. Places de 5 à 180 euros. Diffusion sur France Musique le 20 novembre à 20 heures.

OLIVIER BRUNEL

Source : Le Quotidien du Médecin: 9277