CLASSIQUE - « The Pilgrim’s Progress », à l’opéra de Londres

En route pour la Cité céleste

Publié le 26/11/2012
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Crédit photo : DR

L’ENGLISH NATIONAL OPERA (ENO) met un point d’honneur à rendre justice aux compositeurs britanniques. Après « Sir John in Love » et « Riders to the Sea », c’est au tour de «The Pilgrim’s Progress » d’être révélé aux nouvelles générations. Certes, un enregistrement de Sir Adrian Boult de 1970/1971, réédité récemment par EMI Classics, permettait à curieux et passionnés de découvrir cette œuvre mystique, qui occupa Ralph Vaughan William pendant un demi-siècle. À partir d’arrangements de chants populaires et de cantiques, un premier projet habillait musicalement une production théâtrale amateur du « Voyage du pèlerin », allégorie puritaine de John Bunyan (1676-1679). Dans les années 1920, après avoir mûri son projet dans les tranchées, Vaughan Williams écrivit un opéra en un acte, « The Shepherd of the Delectable Mountains », qui servit de base à l’opéra dans sa forme complète.

D’où la construction très fragmentée de l’œuvre, avec ses prologue et épilogue et sa succession de tableaux dont le Pèlerin est le trait commun, de la Ville de la destruction à la Cité céleste. Il n’y a pas d’action dramatique véritable, comme dans « Parsifal », « Palestrina » ou même « Saint-François d’Assise », pour parler d’œuvres mystiques ultérieures comparables, mais une progression allégorique autour d’un personnage central, le Pèlerin.

La réalisation scénique d’un tel hybride ne peut poser que des problèmes. Le metteur en scène japonais Yoshi Oïda, acteur de Peter Brook et Peter Greenaway (notamment dans « The Pillow Book »), dont on se rappelle la très poétique réalisation de « Curley River », de Britten, à Aix, a pensé les résoudre en créant une unité de lieu, la prison où le Pèlerin est enfermé après un jugement lapidaire et très fantaisiste. La réalisatrice des costumes, hormis un grand éclat de fantaisie pour le tableau un peu longuet et délirant de la Vanity Fair et un très divertissant montage de marionnettes pour celle du combat contre Appolyon, a opté pour la plus banale des facilités, celle de mettre tout le monde dans des uniformes de la Première Guerre Mondiale. Et Oïda n’a pas été aussi inspiré que par Britten, avec une direction d’acteurs assez plate.

Musicalement, en revanche, on était à la fête avec une superbe distribution, menée par le Pèlerin très convaincant et très bon diseur de l’excellent baryton Roland Wood, et l’Evangéliste de grande stature du baryton Benedict Nelson. On distinguait aussi Ann Murray dont la présence scénique est toujours étonnante. La direction très colorée, et rendant bien justice aux talents lumineux de symphoniste du compositeur, de Martyn Brabbins, un excellent avocat de la musique symphonique d’Elgar, Walton et Williams, montrait un orchestre de l’ENO très en forme. À applaudir aussi, le Chœur de l’ENO, qui, dans plus d’un tableau, prend part à l’action avec beaucoup de relief.

Jusqu’au 28 novembre, www.eno.org.

OLIVIER BRUNEL

Source : Le Quotidien du Médecin: 9195