« Happy End », « le Sens de la fête »

En très noir ou plutôt blanc

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Publié le 05/10/2017
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Cinéma-Happy End

Cinéma-Happy End
Crédit photo : LES FILMS DU LOSANGE

Cinéma-Le Sens de la fete

Cinéma-Le Sens de la fete
Crédit photo : GAUMONT

Happy End ? Connaissant Michael Haneke, on se doutait que le titre de son 12e film ne pouvait être qu'une antiphrase. De fait, cet « instantané d'une famille bourgeoise européenne » est dans la ligne de ses précédentes incursions dans la noirceur de l'âme humaine, de « Benny's Vidéo » au « Ruban blanc » en passant par « Funny Games » et « la Pianiste ». On y retrouve quelques-uns des thèmes favoris du cinéaste autrichien : égoïsme et indifférence de classe, sadomasochisme, tentation du mal, y compris chez les enfants, euthanasie (« Amour », son long métrage précédent, qui lui a valu sa deuxième palme d'or à Cannes)…

« Tout autour le Monde et nous au milieu, aveugles » (formule choisie par Haneke pour résumer son film) : dans cette famille très aisée, grand-père, sœur, frère, petite-fille sont égoïstes et froids à souhait. L'une (Isabelle Huppert) ne s'occupe que des affaires familiales, l'autre, médecin aux urgences (Mathieu Kassovitz), envoie des mails pleins de fantasmes sexuels, le patriarche (Jean-Louis Trintignant) ne pense qu'à en finir et la plus jeune filme le tout non sans sadisme. Nous sommes à Calais, mais l'on ne verra les immigrés, indifférenciés, que dans une très courte séquence.

C'est bien sûr intelligent, élégant, moderne, mais glacé et vide, à la mesure des personnages. Bien sûr, il y a Trintignant et Huppert, c'est toujours un plus. Mais rien de nouveau du côté de la banalité du mal.

Un mariage bien orchestré

Signé Éric Toledano et Olivier Nakache, « le Sens de la fête » est une comédie chorale qui nous emmène dans un château du XVIIe (Courances, près de Fontainebleau) pour une réception de mariage dont on suivra toutes les péripéties du côté des organisateurs. Les heureux réalisateurs d'« Intouchables » l'ont écrite en 2015 avec le désir de dépasser la tristesse des événements tout en décrivant les travers de notre société. Ils avaient aussi envie d'offrir un rôle principal à Jean-Pierre Bacri, qui a pu mettre son grain de sel dans le scénario et les dialogues.

Un beau mariage, donc, vu de l'autre côté du décor, avec les milliers de problèmes à résoudre au dernier moment entre un marié exigeant, des serveurs plus ou moins compétents, un DJ qui se prend pour une vedette, des employés qui se disputent et l'on en passe, sans compter les angoisses personnelles du patron. Que joue donc Bacri, metteur en scène désabusé d'une fête qui doit être sauvegardée à tout prix.

Tout n'est pas également drôle dans ces séquences parfois un peu trop attendues. Mais le talent de Toledano et Nakache est dans leur orchestration (avec la musique d'Avishai Cohen) de ces très nombreux personnages. Et de tous les acteurs (Jean-Paul Rouve, Gilles Lellouche, Vincent Macaigne, Eye Haidara, Suzanne Clément, Hélène Vincent, Benjamin Lavernhe…). Avec un zeste de poésie.

Et aussi

Parmi les nouveaux films, on ne manquera pas, trente-cinq ans après le chef-d’œuvre de Ridley Scott (ici à la production), « Blade Runner 2049 », réalisé par l'excellent Denis Villeneuve (« Incendies », « Premier Contact »), avec Ryan Gosling, Harrison Ford et une nouvelle chasse aux Replicants. À voir également, « Confident Royal », de Stephen Frears, sur l'amitié entre la vieille reine Victoria, incarnée par Judy Dench, et un serviteur indien musulman.

Un petit tour à la Cinémathèque pour l'exposition « Goscinny et le cinéma » (jusqu'au 4 mars) avec une programmation ad hoc (Lucky Luke et le western, Cléopâtre vue par le cinéma…). Sachant que le créateur d'Astérix et du Petit Nicolas, mort il y a 40 ans, est également à l'honneur au musée d'Art et d'Histoire du judaïsme (jusqu'au 4 mars également).

Renée Carton

Source : Le Quotidien du médecin: 9607