« ON PARLE d’amour aussi bien pour le saucisson que pour la patrie », remarquait le vieil Alain. S’il est vrai que le mot en devient passe-partout et inadapté, on peut, comme le fait l’auteur, le saisir dans ses trois figures antiques fondamentales.
L’amour est fils de Poros et de Penia, établit Platon dans « le Banquet », il est issu de l’abondance et de la misère. C’est ce dernier aspect que retient le philosophe grec : l’amour est désir, mais le désir s’inscrit en un creux douloureux, le manque. C’est eros, l’amour-passion.
Il en est une autre forme, l’amour tendant vers l’amitié, ou celui que l’on éprouve pour ses enfants ou son conjoint lorsque la passion s’est évanouie. C’est philia, sentiment plein d’équilibre, qui est aussi plaisir serein, joie partagée.
C’est du bout de la plume qu’André Comte-Sponville aborde agapè, amour de l’absolu, amour de Dieu, dont le sens n’apparaît guère si on n’y croit pas, mais il cite le cas de Simone Weil, consumée par la transcendance.
Toute vie, dit l’auteur, évolue entre ces trois formes, mais la sexualité est restée prisonnière de l’eros. Ainsi, toute la lourde mécanique freudienne se conçoit à partir d’une tension pénible qui, en se libérant, génère du plaisir. Autrement dit, le but de la sexualité, c’est l’orgasme ; il n’est pas étonnant que les moyens d’y parvenir importent peu.
Puissance.
Mais au primat du manque, André Comte-Sponville oppose une sexualité sous le signe de la puissance. On est plus du côté d’Aristote, Spinoza et Nietzsche. « Les manifestations somatiques du désir relèvent d’une surabondance plutôt que d’une carence. » Ce plus peut être identifié à la joie, comme si le désir, plus que sa plate réduction à l’orgasme fulgurant, était aussi le plaisir de donner du plaisir à autrui.
Analysant les travaux de Bataille, le livre nous démontre aussi que le sexe reste lié à la morale, à la loi, donc qu’il demeure un plaisir toujours lié à une transgression. Une manière qu’a aussi ce livre d’une acuité étincelante de se placer « au-delà du principe de plaisir » en se situant entre la jouissance et la faute.
Contrairement à son titre inachevé, André Comte-Sponville semble bien avoir pu regarder le sexe en face. Jusqu’à la fascination même.
André Comte-Sponville, « le Sexe ni la mort - Trois essais sur l’amour et la sexualité », Albin Michel, 416 p., 21,50 euros.
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