« GENTILS n’a qu’un œil », affirme un dicton facilement traduisible. Être gentil, c’est ne voir les choses qu’à moitié et vivre dans un monde trop rose. C’est a contrario un plaidoyer pour le cynisme : il faut déceler le vrai visage du vendeur obséquieux et trop souriant.
Cette attitude ricanante déplaît à juste titre à Emmanuel Jaffelin, qui fait l’historique de la notion de manière fort complète. Il en ressort une vision très aristocratique du gentil. La Révolution française reconnaît dans le gentilhomme, dit-il, « un mode de vie décadent et injuste ». Tout l’effort de ce petit ouvrage aigu consiste à montrer que la gentillesse a perdu son sens premier et exprime une noblesse, mais de cœur, un élan humaniste authentique. Pour cela, il faut, par comparaison, situer cette vertu dans la panoplie morale. Elle comporte d’immenses modèles – le Sage, le Saint, le Héros – et d’impressionnants mobiles – l’Amour, le Sacrifice ou le Respect de la loi kantienne.
Le petit geste.
Habilement, le livre situe la gentillesse du côté du petit, le petit geste qui rend service et change tout. Elle a une efficience plus qu’une efficacité. Il faut y voir, dit l’auteur, « une forme d’intelligence qui ne calcule pas et ne présente pas d’addition ». Tel l’effet papillon, l’acte gentil aura petit à petit des conséquences positives, de proche en proche, et contribuera à sa façon à réduire un peu le malheur et la sottise du monde.
Élargissant son champ d’analyse, l’ouvrage dépasse la simple gentillesse au profit d’une généralisation de la douceur. C’est l’occasion de dire que beaucoup de techniques modernes sont des intrusions brutales.
C’est le cas de la manière dont l’homme exploite les sous-sols terrestres et marins ou de la pratique de la médecine. Cette dernière doit être efficace à tout prix, elle guérit au prix parfois de terribles effets secondaires, « mais il arrive que la médecine me rende malade ou me tue », dit l’auteur (nos lecteurs apprécieront). Les médecines douces sont moins spectaculaires mais souvent utiles..., tout comme les énergies éoliennes et les panneaux solaires, qui agissent sans épuiser les ressources de la planète.
Cette étude sans grande prétention métaphysique présente l’intérêt de contrer l’utilitarisme cynique, en remarquant que si le cynique se détache de lui-même pour manipuler autrui, le « gentilhomme » des temps modernes se sépare de lui pour s’unir à autrui. Grâce à lui, le bien court.
Emmanuel Jaffelin, « Petit Éloge de la gentillesse », François Bourin Éditeur, 120 p., 14 euros.
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