Vies et Destins à l’Opéra de Lyon

Festival houleux

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Publié le 25/03/2019
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Opéra-Didon 2

Opéra-Didon 2
Crédit photo : BLANDINE SOULAGE

Avec « Didon et Énée, remembered », le metteur en scène hongrois David Marton, basé à Berlin, revisite l'opéra de Purcell, y ajoutant des textes de Virgile et des compositions et improvisations du jazzman finlandais Kalle Kalima, qui tenait aussi la partie de guitare électrique.

L’ensemble tient plutôt bien la scène, malgré des moments inégaux et quelques longueurs. Jupiter et Junon, joués par des comédiens (Thorbjörn Björnson et Marie Goyette, excellents), font des fouilles archéologiques qui leur permettent de mettre au jour, outre l’opéra de Purcell, des objets du futur (smartphones, télécommandes, accessoires d’ordinateur, journaux). Parallèlement à cette action filmée en gros plan, se déroule l’histoire de Didon et Énée, chantée en anglais et jouée en français (des extraits de « l’Énéide ») par deux très bons chanteurs d’opéra, Alix Le Saux et Guillaume Andrieux.

Le rôle de Belinda était parfaitement chanté par l’excellent soprano américain Claron MacFadden, étonnante dans une improvisation jazzy avec le compositeur à la guitare. L’intermède des sorcières et certains interludes étaient assurés par la chanteuse de jazz américano-suisse Erika Stucky ; avec des monologues chantés pleins de fantaisie, d’esprit très brechtien, bien qu’elle évoque surtout une chanteuse du Velvet Underground qui se serait convertie au cri tribal.

Mais nous a surtout intéressé le travail musical, avec les variations sur la musique de Purcell et les longues plages de compositions originales, auxquelles l’Orchestre de l’Opéra de Lyon et son Chœur, dirigés par Pierre Bleuse, ont parfaitement rendu justice. À l’exception de Kalle Kalima, très applaudi, l’équipe créatrice de cette re-visitation a cependant essuyé quelques sifflets, habituellement plutôt rares dans cette salle. Une partie du public de la capitale des Gaules lui aura certainement reproché d’avoir rendu interminable le plus court des opéras du répertoire !

Règlement de comptes

Houleuse aussi a été la première de « l’Enchanteresse », long opéra rarement donné de Tchaïkovski, d’après Hippolyte Chpajinski. Si la partie musicale, malgré la direction colorée mais un peu tonitruante de Daniele Rustoni, comportait cinq chanteurs russophones exceptionnels (Evez Abdulla, Ksenia Vyaznikova, Migran Agadzhanyan, Piotr Micinski et, dans le rôle-titre, Elena Guseva), c’est la mise en scène d’Andriy Zholdak qui a déplu.

Avec un travail soigné rappelant celui de Dmitri Tcherniakov mais sans sa grande intelligence théâtrale, et en compliquant l’action par tout un jeu de vidéos, de transpositions, de décors complexes, le metteur en scène ukrainien a surtout donné l’impression de régler ses comptes, au détriment du spectacle, avec les oligarques russes, l’Église et la morale religieuse, la lutte des classes, la répression policière. Dommage pour un opéra jusqu'alors inédit en France.

Le festival comporte une troisième production, « le Retour d'Ulysse », de Monteverdi (à la Maison de la Danse, après l'Opéra de Vichy).

La saison 2019-2020

Serge Dorny, le directeur de l’Opéra de Lyon, qui doit rejoindre l’Opéra d’État de Bavière à Munich en 2021, a annoncé la saison 2019-2020. La création sera toujours une priorité : « Shirine » de Thierry Escaich sur un livret d'Atiq Rahimi, le musical « The Pajama Game » de Richard Ader et Jerry Ross, des œuvres du XXIe siècle comme « Gretel et Hänsel » de Sergio Menozzi, « I was Looking at the Ceiling and then I saw the Sky » de John Adams. En mars 2020, le Festival présentera « Rigoletto » de Verdi, « Irrelohe » de Schreker et « la Lune » de Carl Orff. Plusieurs nouvelles productions sont aussi au programme : « Tosca » de Puccini, « Guillaume Tell » de Rossini et « les Noces de Figaro » de Mozart. Une création a été commandée par le Ballet à Russell Maliphant et des pièces de Maguy Marin, Mats Ek, Lucinda Child, Merce Cunningham seront à l'affiche.

 

– Opéra de Lyon (www.opera-lyon.fr et 04.69.85.54.54) jusqu’au 3 avril

– « L’Enchanteresse » sur France Musique le 14 avril

Olivier Brunel

Source : Le Quotidien du médecin: 9735