CE PROFESSEUR a tant de titres que Bouvard et Pécuchet en seraient médusés. Mais sachons avant tout que c’est dans la connaissance de l’Antiquité qu’il excelle. Il nous narre sa récente stupéfaction : c’est précisément chez les peuples anciens qu’il a découvert que la bêtise avait toujours existé : l’Écclésiaste, Lucrèce et saint Augustin déjà la fustigeaient.
Allait-il écrire un traité austère lui aussi ? Il dit préférer « le florilège », mot élégant pour ne pas dire déversoir de citations. Dans le même état d’esprit, le titre de son ouvrage évoque la « sottise », qui sonne plus oreille tirée et comtesse de Ségur. Il dit s’être retenu souvent de ne pas avoir utilisé un mot grossier commençant par c.
Citons donc. « La plupart des humains sont des idiots. Ça aussi on le sait », disait saint Augustin dans « le Libre Arbitre ». Voici une bonne entrée en matière, n’est-ce pas ? Mais on aurait pu philosopher sur le fait qu’à l’origine ce mot signifie « particulier ».
Un bond vers l’âge classique et rationaliste. « On a rarement à traiter avec des personnes parfaitement raisonnables », dit le sourcilleux Descartes. Que fait là cette citation ? Car le fait de ne pas être raisonnable, emporté par une passion, n’est pas forcément identifiable à la sottise. On pourrait abondamment gloser. Tout le monde sait que la bêtise frappe aussi bien les ...diplômés en grec ancien que les plus incultes, elle est un trouble du comportement qu’il faut décrire et sonder.
Méchanceté.
Siècle suivant ! Voltaire : « Tous les siècles se ressemblent par la méchanceté des hommes. » (« J’ajoute et par leur sottise », cette fois c’est Schopenhauer qui parle). Le lien entre bêtise, sottise et méchanceté est nettement plus intéressant.
Dans ce florilège il y a bien sûr, en se rapprochant d’aujourd’hui, Pierre Dac et François Mauriac en abondance. Ce dernier proférant : « Ce que doit être l’enfer : bêtise et laideur absolument. »
Le livre suscite plus d’intérêt lorsqu’il mêle l’humour et le théorique – « La bêtise c’est les autres » – et surtout il trouve une bonne assise de pensée lorsqu’il relie cette notion à l’Opinion. Cette fameuse « doxa » des philosophes, ce puits de généralités reprises à l’infini dans les brèves de comptoir, mais aussi chez les sentencieux bobos.
Ne creusant pas assez son thème, empilant les citations, Lucien Jerphagnon dévoile son florilège comme autant de nénuphars flottant à la surface. Ne fallait-il pas constituer son sujet comme un problème et un mystère absolu, pour reprendre la distinction de Gabriel Marcel ?
Certains êtres sont « constitués de sottise », elle les habite en permanence comme Monsieur Homais, la cruauté n’est jamais bien loin. Pour l’immense majorité il lui arrive, redonnons la parole à Brel, de croiser certains soirs son regard familier au fond de leur miroir.
Lucien Jerphagnon, « La... sottise ? (Vingt huit siècles qu’on en parle) », Albin Michel, 128 pages, 9 euros.
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