Digne d’un polar des années 50, le spot télé en noir et blanc imaginé par l’INCa qui présente le cancer colorectal comme un tueur en série avançant dans la nuit sur une route déserte, pourrait être tiré des pages de son premier roman.
Quand il parvient à s’extraire du service de réanimation qu’il dirige à l’institut Gustave Roussy, François Blot plonge dans son deuxième univers. Depuis la publication du « Jaguar sur les toits » (ed.Métailié), son premier roman édité en 2011 qui a remporté le prix du goéland masqué, François Blot ne lâche plus sa plume. Lui qui n’avait pas lu de polars auparavant et n’a pas la télévision, s’est construit son univers sombre, inquiétant où la peur et la douleur tiennent chacune leur place. Un roman palpitant dont le souci du détail intrigue.
Un regard diagnostique « foudroyant »
Anne-Marie Métailié, son éditrice, se souvient encore de ce manuscrit reçu parmi des centaines d’autres, qu’elle a lu d’un jet. « Son aspect juvénile tranchait clairement avec son regard diagnostique, foudroyant, pour dépeindre les actions et la violence des situations. » Sous son pseudo Arango, François Blot n’entretient pas de mystère et ne fait pas dans le détail. Dès les premières pages, le cœur arraché de la poitrine de l’homme d’affaires selon la tradition des sacrifices aztèques et restitué à sa famille, n’est autre que celui d’un patron de l’industrie pharmaceutique.
Précis et brutal, le récit tranche clairement avec l’apparente douceur de son auteur. François Blot s’en amuse encore. Son livre est sorti au même moment que celui d’Irène Frachon sur le Mediator, avec laquelle il a travaillé il y a 30 ans à l’hôpital Foch. « La fidélité chez lui, n’est pas un vain mot, confie Irène Frachon qui apprécie son côté fantaisiste, pas formaté, rare et original. Il est au service des patients et rien d’autre », poursuit-elle.
Dans le langage guerrier du cancer
Une posture mûrement réfléchie, à l’image de l’intrigue de son roman. « L’ennemi à combattre et à abattre tous les jours, c’est la souffrance, le cancer et nous sommes baignés dans ce langage guerrier. Il faut vaincre la maladie et les proches sont souvent les premiers à encourager les patients à se battre. Ils peuvent aussi baisser les armes, vaincus par la maladie, ce qui ne me paraît pas un aveu de faiblesse », livre François Blot.
Au sein de l’unité mobile soins palliatifs et douleur de l’IGR, Laurence Vigouret-Viant apprécie son implication. « Il n’a pas son pareil pour donner une information loyale, claire et compréhensible dans le seul but de permettre un choix. » Un respect de la parole de l’autre, ce patient qui exprime de mille manières ce qu’il souhaite vraiment. François Blot est à l’écoute et s’adapte sans cesse. « Quoi de plus flippant que d’annoncer à quelqu’un qu’on va le perfuser sans lui faire mal. Pour les patients, tout est agressif à l’hôpital. Ils sont tout nus à l’horizontal, face à des gens bien portants en blouse blanche, on a trop souvent tendance à l’oublier », réplique-t-il. Une sensibilité à fleur de peau alliée à une insondable curiosité qui le conduit à défendre l’hypnose en médecine. « Nous ne sommes qu’au début de l’histoire et il va falloir convaincre les purs et durs de la médecine occidentale. Des études neurophysiologiques sérieuses montrent comment cela fonctionne au niveau du cerveau », soutient François Blot qui a formé la moitié du personnel de son service à cette technique qu’il juge prometteuse. « Si l’on réduit le métier à sauver des gens en leur branchant des tuyaux, on n’a juste rien compris. »
« Qui est le malade ? »
François Blot sait que la réanimation, c’est bien autre chose. Pas question de rester dans son poste de pilotage, à raisonner sur la base de référentiels ou d’algorithmes pour décider ou non de la fin des traitements. « C’est fou, car c’est éminemment humain et nous sommes parvenus à réduire ces décisions à un graphique avec des colonnes et l’on met des notes », s’agace François Blot qui pilote aussi le comité d’éthique de l’IGR. « Il faut évacuer le maximum de subjectivité dans l’arrêt des soins, mais c’est l’humain qui prime et il faut aussi s’en extraire. » Une approche qui le conduit à revoir totalement les priorités au moment de la visite. Lorsque les internes présentent un patient, il refuse d’entendre parler de fibroscopie, d’IRM ou de scanner dans les 10 premières minutes.
« Les jeunes médecins doivent d’abord s’intéresser à la personne. Qui est le malade, où vit-il, est-il boulanger, chômeur, ingénieur ? A-t-il une femme, des enfants ? » François Blot leur demande de mener l’enquête. La science doit rester humaine, et si la réanimation est une parenthèse terriblement nécessaire, il insiste sur l’avant et l’après. Une ouverture d’esprit bien ordonnée qui lui a permis de décoller.
Son roman dont l’intrigue se déroule au Mexique ne doit rien au hasard. En stage à Necker alors en quatrième année de médecine dans le service de transplantation rénale, il voit partir des collègues en stage sous les tropiques. Dans ce service, il y avait une Syrienne, un Péruvien, un Italien, une Brésilienne et un Mexicain. Le dernier va lui faciliter les choses et François Blot s’envole pour le service de pathologies infectieuses à l’hôpital général de Mexico. César Rivera, l’un des personnages de son livre, n’est autre que le chef de service de l’époque avec ses mocassins blancs. Du jour au lendemain, sa vie quotidienne est rythmée par ces transports en petit bus dont il a vu un jour une personne éjectée dans un virage. « Là-bas la biopiraterie existe et le truandage sur les essais pharmaceutiques est répandu de par le monde », martèle François Blot.
Du vécu qui parsème de réalisme les descriptions violentes et crues tout au fil de cette intrigue rythmée par l’enlèvement et le sacrifice d’hommes politiques. Un roman qui lui permet aussi de faire la peau d’un certain journalisme à sensation même si Arana du journal de Mexico, aide aussi ses deux héros dans leur enquête. François Blot joue cartes sur table et affirme ne pas régler de comptes avec qui que ce soit. C’est sa façon d’expliquer que l’argent ne doit jamais prendre le pas. Ceux qui étouffent ou masquent la vérité, pourraient encore bien faire partie des premières victimes de son second roman, attendu dès cette année.
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