UN SIÈCLE n’aura pas suffi à faire oublier la soirée mémorable où le très aristocratique et bourgeois public du tout nouveau Théâtre des Champs-Élysées, temple de l’Art Déco, chahuta ce qui est aujourd’hui considéré comme la pierre angulaire de la modernité symphonique, « le Sacre du Printemps », d’Igor Stravinsky. Le public découvrait avec stupeur ce chef-d’œuvre et exprimait son indignation devant tant de hardiesse musicale mais aussi l’audace chorégraphique de Vaslav Nijinski pour les Ballets Russes de Serge de Diaghilev, nouvelle coqueluche du monde artistique dans un monde prêt à basculer dans une autre ère. Un centenaire célébré en beauté sur la même scène, avec pour commencer le Ballet du théâtre Mariinsky de Saint-Pétersbourg et son orchestre dirigé par leur directeur musical, Valery Gergiev. Au programme, les deux versions à son répertoire, l’originale de Nijinski reconstituée, et une création de la chorégraphe Sascha Waltz. Ceux qui ont vu la retransmission, le mois dernier sur Arte, de l’ébouriffant gala d’ouverture de la toute nouvelle deuxième salle du Mariinsky, ont déjà pu avoir un aperçu de ces deux versions juxtaposées dans la même exécution.
Reconstitution.
Parmi les invités de marque des premières représentations, Tamara Nijinski, fille de Vaclav, 93 ans. Un scandale chassant l’autre, la résurrection de la chorégraphie de son père – résultat d’une collaboration entre Robert Joffrey, alors directeur du Joffrey Ballet de Chicago, la chorégraphe et historienne de la danse américaine Millicent Hodson et l’historien de l’art anglais Kenneth Archer – n’a jamais entraîné de versement de droits d’auteurs aux héritiers Nijinski. Une récente modification législative française permettait à Tamara Nijinski d’assister pour la première fois à cette reconstitution. Et c’est bien ainsi qu’il faut voir cette chorégraphie, restituée d’après des photos, croquis, récits, avec ses costumes rutilants et ses toiles fraîchement peintes d’après les originaux de Nicolas Roerich. Le Ballet du Théâtre Mariinsky a excellé dans l’interprétation de cette pièce mais un peu plus de raffinement dans les éclairages aurait certainement ajouté la part de mystère qui manquait un peu.
Puis, place au présent, et au travail de la chorégraphe et metteur en scène berlinoise Sascha Waltz. Suivant de près l’argument de Stravinsky et Roerich, ne reniant pas une bonne part d’influence de Maurice Béjart – chorégraphe d’un autre « Sacre » historique que l’on regrette de ne pas voir faire partie de cette célébration –, la chorégraphie de Sascha Waltz, avec des éclairages très sophistiqués, joue la carte de la sensualité et offre un très intéressant contraste avec la reconstitution historique, dans sa liberté d’expression corporelle et la diversité physique des participants. L’applaudimètre a largement privilégié cette création.
Mais le plus fascinant reste la façon dont le chef ossète Valery Gergiev, héros de la soirée, celui pour lequel le président Poutine a, le 1er mai, rétabli l’ancienne distinction de l’ère soviétique de « Héros du travail », a nuancé les deux interprétations de la musique de Stravinsky. Dès les premières mesures, l’ineffable solo de basson, on savait que, pour le « Sacre » historique, il privilégiait le rythme, alors que pour la création, il faisait avec son excellent orchestre un fabuleux travail sur les timbres dont abonde cette partition, qui, un siècle après sa création n’a pas fini de fasciner.
Après l’hommage à la chorégraphie (une autre version historique du « Sacre », celle de Pina Bausch, sera présentée cette semaine), le Théâtre des Champs-Élysées le fera pour la partition, qui sera dirigée, au cours de trois concerts symphoniques, par des personnalités aussi diverses qu’Esa-Pekka Salonen, Daniele Gatti et Yannick Nézet-Seguin.
Théâtre des Champs-Élysées (tél. 01.49.52.50.50, www.theatredeschampselysees.fr) : « Le Sacre du Printemps », chorégraphie de Pina Bausch, par le Tanztheater Wuppertal, du 4 au 7 juin à 20 heures ; concerts « Sacre du Printemps » les 10, 13 et 21 juin à 20 heures.
Bel Air Classiques publie, dans un très beau livre-DVD Édition collector du Centenaire, la captation au Théâtre Mariinsky du « Sacre » de Nijinski, complété par « l’Oiseau de feu », chorégraphie de Fokine, sous la direction musicale de Valery Gergiev.
DJ et médecin, Vincent Attalin a électrisé le passage de la flamme olympique à Montpellier
Spécial Vacances d’été
À bicyclette, en avant toute
Traditions carabines et crise de l’hôpital : une jeune radiologue se raconte dans un récit illustré
Une chirurgienne aux nombreux secrets victime d’un « homejacking » dans une mini-série