Manque de moyens, sous-effectif chronique

Infirmière en EHPAD, elle « rend son uniforme » à 25 ans

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Publié le 24/01/2019
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« Ce n'est pas ça mon métier, madame la ministre ! ».

Le 27 décembre 2017, Mathilde Basset, infirmière diplômée depuis un an et demi, interpelle la ministre de la Santé Agnès Buzyn dans une lettre ouverte sur Facebook. Elle y décrit ses conditions de travail à l'EHPAD de l'hôpital du Cheylard (Ardèche), où elle y est une seule infirmière pour plus de 90 résidents, et son sentiment de « bâcler » ses tâches quotidiennement. Son message sera partagé plus de 20 000 fois, et ouvrira la voie à une prise de conscience sur les conditions de travail dans les EHPAD et à la journée nationale de mobilisation du 30 janvier 2018, suivie par des milliers de soignants.

Un an plus tard, Mathilde Basset revient sur ces années comme infirmière au service des personnes âgées dans un livre* paru ce 23 janvier. Bretonne d'origine, elle se forme à Vannes, avant de décrocher son premier contrat d'infirmière dans le Berry, puis d'être embauchée en Ardèche. Si la soignante perçoit dès le début les signaux alarmants d'un manque de moyens, c'est au centre hospitalier local du Cheylard, auquel est rattaché un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), qu'elle se rend compte de l'impossibilité de bien faire son travail au sein d'une équipe en sous-effectif chronique.

Course contre la montre

Distribution des cachets, prises de glycémies, réalisation des soins tout en gérant les éventuelles urgences du service, explications avec les familles, appel au médecin coordinateur lui aussi débordé, épidémie de grippe… Au quotidien, l'infirmière court contre la montre et néglige les relations humaines avec les résidents, dommage collatéral du manque de temps. Comme cette fois où, agacée, elle réprimande sèchement deux résidents en train de discuter dans une chambre au lieu d'attendre la distribution de médicaments. « Quelques secondes après, je réalise ce qui est en train de se passer. J'ai honte de mon attitude, de mon discours : une mauvaise soignante », écrit l'infirmière.

Refusant de poursuivre sa carrière dans un tel système, Mathilde Basset ne renouvellera pas son contrat en Ardèche. « À aucun prix je ne retournerai donner du crédit au modèle actuel de prise en charge de la vieillesse en collectivité », conclut celle qui est désormais infirmière en psychiatrie, dans un centre médico-psychologique (CMP).

* « J'ai rendu mon uniforme », Mathilde Basset, Eds du Rocher, 250 pages, 14,90 euros, 23 janvier 2019

 

 

Marie Foult

Source : Le Quotidien du médecin: 9718