« La Clémence de Titus », créée à Prague en 1791, est loin d’être un opéra parfait. Composé en urgence par Mozart pour le couronnement de l’empereur Leopold II comme roi de Bohème, il comporte parmi les plus beaux – et difficiles – airs pour ses solistes, mais trop de récitatifs.
C’est sur cette supposée faiblesse que le metteur en scène américain Peter Sellars et le chef d’origine grecque Teodor Currentzis ont basé un travail de déconstruction de la partition de Mozart et du livret de Caterino Mazzolà (d’après Metstasio). À la trahison de son ami Sesto après la répudiation de Bérénice, pour venger Vitellia évincée par Titus, Sellars substitue l’histoire de Nelson Mandela, avec pour toile de fond réfugiés et terrorisme aveugle.
Des ajouts musicaux
Pour compenser la supposée non-authenticité des récitatifs (ils auraient été en partie écrits par un élève de Mozart, Franz Xaver Süssmayer, celui-là même qui compléta le « Requiem ») et la prétendue faiblesse de la construction musicale, Currentzis a quant à lui décidé d’introduire dans l'opéra d’autres musiques du compositeur, des extraits de la « Messe en ut mineur », de l‘« Adagio et fugue en ut mineur » et de l’« Ode funéraire maçonnique ». C’est non seulement une interprétation radicalement différente de l’œuvre qui est proposée au spectateur, mais aussi un bouleversement complet de la partition, sans qu’il en soit le moins du monde prévenu.
Peter Sellars a souvent utilisé des messages de paix et d’humanité dans ses mises en scène. Avec succès dans des ouvrages politiques comme « Nixon en Chine » ou « la Mort de Klinghoffer », de John Adams. Et souvent avec beaucoup de conviction, comme dans « Teodora », l’oratorio d’Haendel, au festival de Glyndebourne. Mais cela a vite tourné au système, comme dans les « Passions » de Bach mises en scène à Berlin. Un système qui tourne à vide et lasse.
À Salzbourg, la distribution, si elle était inégale, avait une certaine unité. Ce qui n'a pas été le cas à Amsterdam. Parmi les six solistes, un seul avait les moyens du rôle, l‘exceptionnelle mezzo-soprano irlandaise Paula Murrihy. L’air « Parto, parto », accompagné sur scène par la clarinette de basset jouée à merveille par Florian Schuele, fut un grand moment de musique, que n’a pas réussi à saboter le chef avec des tempi plus qu’arbitraires et des moments de pause non inscrits dans la partition. En dépit des excentricités de la direction de Currentzis, on a aussi pu admirer l’excellence de l’orchestre et du chœur Musica Aeterna.
On dénonce régulièrement, depuis une trentaine d'années, la mise en péril des œuvres lyriques par certains metteurs en scène venus du théâtre (le Regietheater à l’allemande), qui en pervertissent le livret et le sens profond. Faudra-t-il désormais craindre la dictature des chefs d’orchestre, jusqu’alors gardiens du temple et garants de l’intégrité des partitions d’opéra ?
Prochains spectacles de l'Opéra d'Amsterdam : « Les Contes d’Hoffmann », d’Offenbach, du 3 juin au 2 juillet ; « Tristan + Isolde », chorégraphie de David Dawson, du 13 au 26 juin (www.operaballet.nl)
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